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L’ORGUE RŒTHINGER

Lorsque la maison Rœthinger reçut en 1913 la commande de l'orgue d'Erstein, le plus grand orgue jamais construit par un facteur alsacien, ce n'était encore qu'une assez jeune entreprise, avec tout juste vingt ans d'existence.

Elle avait été fondée en 1893 par Edmond-Alexandre Rœthinger (1866-1953) et son père Sigismond (1837-1926). Bien que né à Strasbourg, Edmond-Alexandre Rœthinger ne devait rien à la tradition de l'orgue alsacien, puisqu'il avait été entièrement formé dans des ateliers allemands, d'abord chez Heinrich Koulen, entre 1881 et 1889, avec une interruption de 1886 à 1888 pour le service militaire, puis chez Franz Borgias Mœrz, à Munich, de 1889 à 1892.

De fait, les premiers orgues étaient encore très marqués par l'influence de Koulen. Les débuts de l'entreprise furent difficiles, entachés par plusieurs procès pour des tractions pneumatiques peu fiables, mais dès 1895 neuf personnes travaillaient dans l'atelier de Schiltigheim (situés 17a Wehrstrasse). Les premières réalisations furent modestes, réservées à des paroisses de peu d'importance, et il fallut attendre 1902 pour trouver la première intervention à Strasbourg (église protestante Saint-Pierre-le-Jeune).

Ce n'est qu'après 1910 et grâce au soutien plus efficace de François-Xavier Mathias que Rœthinger eut la possibilité d'ériger ses premiers orgues à trois claviers, à l'église catholique Saint-Pierre-le-Jeune de Strasbourg (1910, 37 jeux), à Sainte-Madeleine de Strasbourg (1913, 47 jeux) et à Dannemarie (1913, 40 jeux).

La construction de l'orgue d'Erstein s'inscrit donc dans une forte montée en puissance de l'entreprise, qui fut ensuite remise en question par la Première Guerre Mondiale. De tous les ouvrages de cette première période, un certain nombre d'instruments sont conservés, dont celui de l'église catholique de Wœrth (1898), également classé au titre des monuments historiques, mais celui d'Erstein est le seul grand instrument de trois claviers à être parvenu jusqu'à nous.

C'est probablement l'Entre-deux-guerres qui fut la période la plus active de la manufacture, qui trouva de nouveaux débouchés auprès du marché français et devint la principale entreprise de facture d'orgues en Alsace, après la faillite de Joseph Rinckenbach en 1929.

C'est durant cette période qu'Edmond-Alexandre Rœthinger, secondé par son fils Max (1897-1981), reconstruisit les orgues des cathédrales de Strasbourg (1935) et d'Amiens (1937). C'est aussi durant cette période que passèrent ou furent formés dans les ateliers de Rœthinger la plupart des facteurs d'orgues qui firent le renom de la facture alsacienne au XXe siècle (Georges Schwenkedel, Ernest Mühleisen, Alfred Kern et Jean-Georges Kœnig).

La dernière période d'activité de l'entreprise après la Seconde Guerre Mondiale fut encore très fructueuse, avec de nombreux orgues neufs d'esthétique néo-classique puis néo­baroque Jusqu'à la fermeture en 1968.

L'orgue de Saint-Martin d'Erstein se ressent des débats esthétiques aux alentours de 1900. Par ses options technologiques, par sa tuyauterie - commandée chez Laukhuff - et par sa palette sonore, cet instrument s'inscrit bien dans la mouvance de l'orgue allemand du début du XXe siècle et a été voulu comme tel par Victor Dusch qui est l'auteur de la composition des jeux.

C'est bien Dusch qui demanda les jeux à haute pression - qui figurent aussi dans les devis des concurrents de Rœthinger - même si ces jeux sont plus sages, avec leur pression de 150 mm, que ceux de l'église catholique de la garnison de Strasbourg (actuellement Saint-Maurice) avec leur pression de 300 mm de colonne d'eau. Mais en même temps, cet instrument témoigne aussi d'influences de la Réforme alsacienne de l'orgue, par sa richesse enjeux d'anches, du moins aux claviers manuels, par ses deux claviers expressifs, dont un récit de 17 jeux, et par ses jeux de Nazard et de Tierce au positif.

Le chef-d’œuvre de la manufacture Rœthinger

Un instrument très bien conservé

A peine inauguré, le nouvel orgue fut menacé en 1917 par la réquisition des tuyaux de façade, ordonnée par l'administration allemande. A cette mesure ne pouvaient déroger que les tuyaux dont la valeur historique pouvait être attestée, ce qui permit de sauver quelques façades du XVIIIe siècle, notamment celles de Silbermann.

Les tuyaux de façade d'Erstein étaient on ne peut moins historiques puisque presque neufs, mais ils furent sauvés par la pugnacité de la paroisse qui, à force de courriers et de démarches, parvint à repousser la dépose jusqu'à l'Armistice de novembre 1918.

En raison de la taille et de la complexité de l'instrument, la traction pneumatique montra des signes de fatigue et se révéla moins fiable. C'est pourquoi elle fut remplacée en 1949 par une traction électro-pneumatique, installée par la maison Rœthinger.

Cette transformation fit l'objet d'un concert d'inauguration, donné le dimanche 6 novembre 1949 par les organistes Fernand Rich, professeur d'orgue au conservatoire de Strasbourg, et Robert Dusch, fils de Victor.

Très bien conservé, l'orgue de Saint-Martin d'Erstein a été classé au titre des monuments historiques le 5 juillet 1996, tandis que le buffet avait été classé par arrêté du 14 septembre 1995.

Un nouveau nettoyage fut effectué en 1978 par les frères Steinmetz, sans aucune modification si ce n'est aux basses du Clairon 4 du grand-orgue, dont les entailles de timbre furent refermées et les pavillons un peu recoupés.

Très bien conservé, l'orgue de Saint-Martin d'Erstein a été classé au titre des monuments historiques le 5 juillet 1996, tandis que le buffet avait été classé par arrêté du 14 septembre 1995.

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PRESENTATION QUATRE ORGUES ANNUAIRE 2003 ANNUAIRE 2005 RESTAURATION HISTORIQUE PATRIMOINE