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Mais le danger de réquisition fut bientôt renouvelé et porté à son comble par le fameux décret impératif du 10 janvier 1917, et l'orgue restait à la merci d'une nou­velle expertise. En vertu du paragraphe 9 du décret, une dérogation était possible pour les tuyaux ayant une valeur artistique ou historique avérée. La paroisse, appuyée par l'administration commune, démarcha en vue d'obtenir cette dérogation, sans succès.

En Alsace, cette dérogation, justifiée, pouvait venir de l'archi- tecte conservateur Johann Knauth le sauveur de la cathédrale et de nombre de montres alsaciennes. Mais en l'occurrence, ce recours était inenvisageable pour cet orgue.

Cela aurait été demander un faux cons­cient à cet honnête homme responsable. Jouant alors sur la rigueur même des organismes prussiens, à force de courriers et de démarches systématiquement orga­nisés et renouvelés, de plus en plus haut jusqu'à Berlin,

sans illusion mais pour repousser la réquisition  avec l'espoir que les Allemands battus quittent l'Alsace, assez de temps fut gagne pour que l'Armis­tice survienne juste avant le terme du dernier délai de livraison des tuyaux et la date du pillage systématique programmé de l'Alsace (il devait commencer le 13 no­vembre en Haute-Alsace!).

Entre-temps, l'un des deux instigateurs de l'orgue, le recteur Jean-Baptiste Brett était mort, le 20 octobre 1917, de la dysen- terie propagée par les militaires de passage. Quant au maquillage de 1916, il dut être efface après la guerre par un lustrage, car vers 1925 les tuyaux de montre brillaient.

Après la guerre, fin 1918 et en 1919, les habitants apportèrent au presbytère leurs billets de banque alle­mands pour contribuer au paiement de leur orgue, dont le coût de 45 000 Marks fut entièrement épongé en 1925. L'orgue et son inauguration de 1914 bénéficièrent d'une nouvelle plaquette en français décrivant l'orgue et donnant le rapport d'expertise du 9 juillet 1914.

En janvier 1919, Charles-Marie Widor put revenir en Alsace revoir ses amis et visiter avec eux les derniers travaux de facture d'avant-guerre, invité par Emile Rupp à examiner la console révisée par E.F. Walcker de son orgue de Saint-Paul à Strasbou rg, et invité par Edmond-Alexandre Rœthinger et Victor Dusch à découvrir enfin leur orgue de Saint-Martin d'Erstein, que Charles-Marie Widor joua en privé (à cette date ou un peu plus tard).

Après un service à dominante funèbre pendant la guerre, le jeu de l'orgue redevint festif à maintes occa­sions. Le jeudi 10 juillet 1924, à 16 h, un grand "Récital d'orgue" fut donné par Victor Dusch, en l'honneur de l'Assemblée Générale de l'Union Sainte-Cécile, dont il fut l'organisateur local a Erstein.

Le dimanche 23 septembre 1928 à 14 h, lors d'un salut solennel en musique donné au profit de la recons­truction des orgues de la cathédrale de Strasbourg MM. Dusch Victor et Robert, son fils, ont joué à l'orgue exclusivement J.S. Bach, Victor Dusch dirigeant de plus en alternance son chœur paroissial d'Erstein.

Victor DUSCH

Annuaire 2003 page 34

Evénement radiophonique, le jeudi 25 mai de l'Ascension 1933, à 20 h 30, Viclor Dusch donna un récital, diffusé en direct, sur son orgue. Un autre réci­tal radiodiffusé en direct fut donné le lundi 26 octobre 1936, à 20 h 10, mais cette fois par son fils, Robert Dusch, car malheureusement son père Victor Dusch n'était plus là pour tenir ses claviers, décédé brutale­ment le dimanche 1 er septembre 1935.

Alors que des cloches étaient déjà enlevées de ci de là, les autorités allemandes firent inventorier en 1944 les orgues d'Alsace-Lorraine. Mais "quand on réqui­sitionne les cloches, la guerre est perdue", et l'Alsace fut libérée avant la réquisition des tuyaux des orgues.

Pour la Noël 1944, dimanche 24 décembre à 17 h, Félix Hertzog, à l'orgue, accueillit les généraux de Gaulle et Leclerc pour une mémorable messe de « minuit ».

Après la Seconde Guerre mondiale, pendant laquel­le l'orgue souffrit du peu d'entretien, la traction pneu­matique plus que trentenaire était à bout. Son facteur, Edmond-Alexandre Rœthinger (qui vivra jusqu'au 20 février 1953), et son fils et successeur, Max Rœthinger, électrifièrent la console et la traction en par­tant, la traction des notes et des jeux de l'orgue deve­nant ainsi électro-pneumatique, moins dévoreuse de vent.

Le gros et gourmand ventilateur d'origine, de 75 mVmn, fut remplacé par un ventilateur Meidinger plus modeste, de 42 m3 Vmn, mais il fallut hien sûr lui adjoindre une moto-dynamo pour alimenter en courant continu la nouvelle branche électrique de la traction. Les tuyaux de montre furent lustrés à nouveau, ils brillaient encore en 1970, mais ils ne le seront plus par la suite.

Comme en 1914 pour l'orgue neuf, cette rénovation de l'orgue fut bénite et inaugurée le dimanche 6 no­vembre 1949 à 15 h, avec le concours de Fernand Rich et de Robert Dusch à l'orgue, et de la chorale parois­siale Sainte-Cécile d'Erstein dirigée par Félix Hertzog, maître de chapelle.

Ces événements firent l'objet d'une notice-programme. Les bénédiction et inaugura­tion furent enregistrées et viennent, en 2002, d'être partiellement restituées sous la forme d'un disque compact hors commerce, par les soins de la Ville.

A l'orée des années 60, cet orgue, à l'origine baro­que, et en conservant le buffet de ce style, courut le grand risque d'une reconstruction néo-baroque, mais y échappa bien heureusement, malgré tout (remarque du préfet( ? ) Morin, en 1849 déjà: « On ne modifie pas les jeux d'un orgue (le Silbermann de Wasselonne) sui­vant le goût d'un organiste »).

En 1978, un relevage comportant un grand nettoya­ge et quelques modifications (remplacement du pan­neau de façade sous la tourelle centrale par une claire-voie en deux parties, recoupe des basses du clairon 4 du grand-orgue notamment) firent l'objet d'un concert spirituel le 11 novembre, Saint-Martin, par les orga­nistes Robert Pfrimmer et Robert Dusch, qui se parta­gèrent le programme, auquel participa la chorale Sainte-Cécile d'Erstein, dirigée par M. Ottmann.

Début août 1983, Daniel Roth joue la 10e  symphonie « Romane » (qu'il travailla spécialement pour la circons­tance, car elle n'était pas encore à son répertoire) de Widor pour la GdO.

Autre événement, le 5 août 1983, l'enregistrement par le Maître Daniel Roth, pour un cof­fret de deux disques 33 tours (Coronata 4001), « Orgues en Alsace », d'une « Messe d'orgue à Paris en 1930 » im­provisée. Cela ne consacre-t-il pas l'orgue d'Erstein orgue symphonique français et parisien... allemand ?

Le 22 mai 1992, assemblée de création d’AMORE.  

Association des Amis de l'Orgue Rœthinger d'Erstein, ayant pour objet de promouvoir toutes activités sus­ceptibles de contribuer à la renommée et au rayonne­ment culturel et musical de l'orgue Rœthinger, et de le faire classer Monument historique. A cette occasion, le Dr Jean Rœthinger, petit-fils d'Edmond-Alexandre, a informé l'assemblée qu'un positif de l'ancien orgue d'Erstein, conservé, est à vendre. La présidente fonda­trice d'AMORE était Mme Denise Rack-Salomon (1912-1998).

Deux récitals d'orgue par an seront organisés par AMORE, à partir du premier donne par Maurice Moerlen le 18 octobre 1992, jusqu'à celui du 26 sep­tembre 1999, le dernier organise par AMORE. Le conseil de fabrique Saint-Martin, soutenu par la ville, a pris le relais.

Les 9, 13 et 14 octobre 1992, interventions de remi­se en état des frères Steinmetz le 18 août 1993, rap­port de visite de l'orgue par le facteur Albin Unfer, un ancien de Rœthinger. Ce rapport, très clair sur la nécessite et la nature d'une restauration dans les deux années à venir, anticipe donc l'étude préalable à la future restauration. La conclusion est : « Cet orgue symphonique inspiré des orgues Cavaillé-Coll, mérite­rait d'être classé, et cela sans difficulté. » (Cavaillé-Coll en version pneumatique !)

Robert DUSCH

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Le 20 mai 1995, le cornet Rohrer avec son sommier Callinet (1805) du clavier d'écho de l'orgue Rohrer (1744) et le bloc de trois claviers de Joseph Callinet (1832), démontés en mars 1913 et conservés par Rœthinger, sont récupérés par la Ville d'Erstein à Vichy. Les cinq rangs de tuyaux de ce cornet d'écho de Rohrer (1744) ont donc vu et retrouvé Erstein pour la troisième fois de leur existence, définitivement.

Le classement au titre des Monuments historiques a été obtenu le 14 septembre 1995 pour le buffet Rohrer-Klem, le 5 juillet 1996 pour toute la partie instrumentale. La moto-dynamo Meidinger de 1949 alimentant la partie électrique de la traction remplacée par un re­dresseur statique Otto Heuss (de Lich), restaient les organes électriques utilisa- teurs cinquantenaires et les organes pneumatiques d'origine, devenus peu fiables.

Après une élude préalable à la restauration de l'orgue par Marc Schaefer. de mars 1998, une rénovation de l'orgue impli- quant leur remplacement fut confiée à la Manufacture Berrichonne de Grandes Orgues. Les tra­vaux de Marc Hedelin et de ses compagnons débutè­rent le 1er mars 2000 et s'achevèrent à la mi-mai 2001 pour un montant de 200 k€.

La majeure partie des travaux de restauration fut constituée par le remplacement d'un très grand nombre (environ 700 électro-aimants basculeurs, 3 500 clapets à soufflet Boden,

plus d'une soixantaine de soufflets ta­batière) d'organes usés,la rénovation impliquant des modifications substantielles dans la console indépen­dante, dont les systèmes Rœthinger de 1949 on été remplacés par des systèmes modernes et ergonomiques améliorant l'esthétique, le toucher et la maintenabilité.

Le pédalier a été recalé pour l'aplomb normal ré sur ré. Surtout, les commandes de jalousies des boîtes expressives, du récit et des deux ailes du positif qui avaient été dételées (en 1978 ?  ou dans les années 60 néo-baroquistes ?), ont été réattelées à leurs pédales à bascule respectives. Sur les 4 271 tuyaux, seuls les basses recoupées en 1978 du clairon 4 de Grand-Orgue ont nécessité une restauration dans leur état d'origine.

Le dimanche de Pentecôte 3 juin 2001, à 10 h, béné­diction de l'orgue restauré, au cours de la solennité de la fête, avec le concours des trois organistes, Maurice Antz, Emmanuelle Milliou et Véronique Nass.

Le concert inaugural fut donné par Daniel Maurer à 17 h dans une église comble. Il fut enregistré en privé et restitué sous la forme d'un disque compact hors com­merce, par lui et ses élèves.

A la demande de la Ville d'Erstein, cette restauration a fait l'objet d'une très belle plaquette du Patrimoine Restauré en Région Alsace (n° 4, mai 2001) publiée par la DRAC.


Annuaire 2003  page 36

LES GRANDES DATES DE L’ORGUE

DE L’EGLISE SAINT MARTIN

Société d’Histoire des Quatre Cantons, annuaire 2003, auteur : Guy SAGOT

PRESENTATION QUATRE ORGUES ANNUAIRE 2003 ANNUAIRE 2005 RESTAURATION HISTORIQUE PATRIMOINE