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13.08.2014

Les deux moulins Niedermühl et Mittelmühl remontaient à la fin du XIIIème siècle. Primitivement, ils appartenaient aux landgraves de Werde, qui, probablement, les ont fait construire, lors de l'aména- gement du Mühlgraben. Ensuite, ils passèrent à Walter de Géroldseck dit de Tübingen.

Ils sont mention­nés pour la première fois dans un écrit du 13 mars 1336 où Walter et son fils Henri s'engagent à donner la cour collongère ainsi que les deux moulins à la commune d'Erstein :

« dass wir unseren Hof zu Erstheim, den man spricht des Landgrafen Hof, und die zwo Mühlen, die gelegen sind auch an dem Wasser zu Erstheim..., mit allen Rechten und Zinsen, die dazu hörent, ohn aile gefàhrde, den Ehrbaren Bürgern und der Gemeinde zu Erstheim in ihren Gewalt han geben, mit diesem gegenwärtigen Briefe...».

Catherine de Horbourg, la femme d'Henri de Geroldseck, donna son assentiment à cet acte. En 1376 après la mort du dernier landgrave Jean de Horbourg, collonge et moulins deviennent définitivement propriété communa­le.

En 1668, le Grand Chapitre vend à François Théobald Rothfuchs, prévôt d'Erstein, le jardin de la Rebmatt et utilise l'argent pour l'achat des deux moulins, lesquels resteront en location jusqu'à la Révolution.

La Niedermühl est reconstruite en 1695, la même année où André Faerenbach fait bâtir la Grabenmühl.

La location est héréditaire. (« Erblehen »). Le meunier est tenu de verser au Grand Chapitre une redevance annuelle en nature et en argent. Ainsi, en l'année 1770, le Niedermüller Hanns Georg Schmitt livre 20 sacs de blé, 20 sacs de seigle et 20 sacs d'orge pour ses tournants à farine ; en outre, il paye 8 florins pour le foulon.

Le meunier est autorisé à pêcher à l'épervier aussi bien en amont qu'en aval de son moulin, mais uniquement sur son domaine (« soweit seine Heye gehen ») et à deux conditions :

Jeter l'épervier à partir de la rive et non d'une nacelle ;

Ne pas vendre le poisson péché ; le réserver pour les besoins alimentaires personnels. Il a également le droit de poser des nasses à certaines époques fixées par la corporation des pêcheurs.

Mais le Niedermüller a aussi des obliga­tions comme par exemple l'entretien de la digue du Börschhey, charge qu'il partage d'ailleurs avec le Grabenmüller ; ceci est confirmé par un acte du 3 mai 1726, où les quatre plus anciens pêcheurs de la commune d'Erstein déposent devant le prévôt et le bourg- mestre « qu'avant la construction du quatrième moulin dit Grabenmühl, les trois autres moulins étaient propriété communale d'Erstein, lesquels sont après devenus domaine seigneurial ; que précédemment le meunier dit Niedermüller était le seul obligé d'entretenir la Boerschheu, vu que les deux autres meuniers dits Mittelmüller et Crafftmüller avaient assez de digues à leur charge ; que lors de l'établissement du moulin dit Grabenmühl, lequel existe depuis environ 28 ans, l'entretien de la Boerschheu a été partagé par moitié entre le Niedermüller et le Grabenmüller ; qu'ensuite les dits deux meuniers Niedermüller et Grabenmüller étaient les seuls obligés et ce solidairement de l'entretenir et rendus responsables pour tous dommages. »

Nous verrons plus loin que l'entretien de la digue donna lieu à des contestations intermina­bles.

A partir de 1780, le moulin Niedermühl qui n'avait que deux tournants, fonctionne dorénavant avec trois tournants à farine et un moulin à tabac.

Niedermühl et Mittelmühl demeurent la propriété du Grand Chapitre jusqu'au 2 novembre 1789 où l'Assemblée Constituante décrète la confiscation des biens de l'Eglise. Au mois de janvier 1791, les biens du Grand Chapitre à Erstein sont vendus publiquement par le Directoire du District de Benfeld et les deux moulins passent entre les mains de particuliers.

La Niedermühl continue à tourner jusqu'en 1881, où un incendie détruit le moulin proprement dit et le foulon (sur les matrices cadastrales ces derniers dont signalés comme « abgebrannt »). La maison d'habitation est épargnée.

Ultérieurement la commune achète tout le complexe et installé une turbine hydraulique pour produire de l'électricité; la petite usine fournira du courant jusqu'en 1908.

Plus tard, la maison servit de logement à plusieurs familles à la fois. Au cours des années 1920, même une épicière nommée Kohler Salmel y tenait boutique; boutique c'est beaucoup dire, car la pauvre femme ne disposait que d'une seule pièce qui lui servait à la fois de chambre à coucher, de cuisine et... d'épicerie. Elle vendait sa marchandise par la fenêtre qui donnait sur la rue du Moulin.

En 1975, la Ville céda le bâtiment à un habitant d'Erstein, M. Jean Holfert, qui sut le restaurer avec beaucoup de goût et de sobriété.

La Niedermühl et l'Ile du Moulin.

Le moulin Niedermühl était situé sur le Mühlgraben à environ 30 mètres de l'embou­chure du Fossé des Tanneurs.

Aujourd'hui, seule la maison d'habitation des meuniers nous rappelle encore son existence. C'est une construction, aux proportions harmonieuses, dont la plus grande partie date de la fin du XVIIIème et du début du XIXème siècle.

Beaucoup plus en amont se trouvait le moulin dit Mittelmühl.

Historique de la Niedermühl

Les meuniers de la Niedermühl.

Jusqu'à   la   Révolution   Française   nous n'avons que des renseignements fragmentaires. Sont cités comme meuniers :

1558-1581. Georg Eckhart

1600. Andréas Schwing

1603. Erhard Schwing

1605-1613. Michel Jörg  († 1628)

1616-1624. Martin Mossler ou Mussler qui avait épousé en 1616 Ursula Hubert ; il est mort en 1636 ; sa veuve s'est remariée avec un autre meunier d'Erstein, Michel Vockert.

1636. Hanns Mussler le Vieux, un frère de Martin Mussler. Il avait épousé en seconde noce Catherine Willer d'Erstein ; un fils, prénommé Hanns également, sera plus tard Niedermüller. Mussler le Vieux est mort vers 1641.

1636. Michel Vockert. Il était marié avec Ursula Hubert Veuve de Martin Mussler. Il est mort vers 1658.

1642-1646. Jacob Reinhard.

1651-1672. Velten Thânig ou Thäniger. Originaire de Münchweiler il a épousé en 1650 Catherine Willer, veuve de Hans Mussler le Vieux ; le fils de cette dernière, Hanns Mussler le Jeune, sera apprenti chez Thänig.

1672-1682. Hanns Mussler le Jeune, beau-fils de Thänig, s'est marié en 1663 avec Barbara Hauss d'Erstein. Il meurt le 9.1.1682.

1682-1695. La veuve de Hanns Mussler le Jeune garde en location le moulin loué pour 9 ans.

1695-1699. Joseph Floch, fils de Hanns Floch, un meunier d'Erstein (Mittelmùller en 1654 ; Krafftmuller de 1656-1663). Joseph FLoch est mort en 1699.

1711-1735. J.M. Corhumel (Arch. Dép. Strasbourg. 1711 : Bail concernant le moulin dit Niedermühl à Erstein au profit de J.M. Corhumel. Sous G 3024).

1770.   Hanns   Georg   Schmitt.   Son   nom est mentionné sur une liste établie en  1770-71 lors   d'une   révision   des   biens   du   Grand

Chapitre (Friedel p. 389).

A partir de l'époque révolutionnaire, les informations sont plus précises.

Nous trouvons d'abord un certain Mathias Edel dit le Vieux, dont le nom figure d'ailleurs sur un inventaire dressé le 16 avril 1790, concernant les biens confisqués du Grand Chapitre (Friedel p. 403). Ce Mathias Edel, né en 1745 à Geispolsheim, est issu de la lignée des meuniers de l'Obermühl (« Hatzenmùhl »). Il se marie avec Marie-Madeleine Engelmann (0 1744 à Erstein ; † 10.4.1806 à Erstein) et loue la Niedermühl vers 1778-79.

En 1780 la redevance annuelle qu'il verse au Grand Chapitre comprend :

20 sacs de blé, 20 sacs de seigle et 20 sacs d'orge pour le moulin ; 6 sacs de seigle, 6 sacs d'orge, 15 sacs d'un mélange de froment et d'orge, ainsi qu'une somme de 43 florins pour la chute d'eau et le foulon à chanvre.

La même année, le meunier entreprend d'importants travaux de reconstruction comme en témoigne l'inscription taillée dans une poutre angulaire : en dessous de la date 1780, on peut lire les initiales M.E. du nom du meunier.

En janvier 1791, le Directoire du District de Benfeld procède à la vente des biens du Grand Chapitre à Erstein; Mathias Edel profite de l'occasion pour acquérir le moulin. Il meurt le 11.1.1806 et l'un de ses fils, qui porte comme lui le prénom de Mathias, hérite du moulin.

Mathias Edel le Jeune naquit à Erstein le 20.2.1780. Le 23.6.1806 six mois après le décès de son père, il épouse Marie-Thérèse Ringeissen (0 13.4.1778 à Erstein; † 4.9.1847 à Erstein). Sur une plaque en grès encastrée à un angle de l'ancien moulin, sont gravées les initiales des noms des conjoints, M.E. et T.R., avec en-dessous la date 1826 ; cela signifie qu'à cette époque le bâtiment a été l'objet de nou-  velles transformations, surtout dans sa partie nord.

Mathias Edel le Jeune est mort le 13 octobre 1832 à l'âge de 52 ans « dans sa maison située au n° 99 Quartier Verd ».

La mémoire des meuniers Edel est perpétuée par deux inscriptions figurant sur le calvaire du Niedertor, à la sortie d'Erstein en direction de Nordhouse. Le monument est daté de 1714. En décembre 1793, pendant la Terreur, il a été ou caché par les habitants, ou renversé par les révolutionnaires. Il fut érigé de nouveau en 1802 grâce à Mathias Edel le Vieux ; vingt ans plus tard le fils de ce dernier le fit rénover (« renefùren »). A la base du calvaire se trouve un grand cartouche avec l'emblème de meunier et l'inscription suivante :

Mathias Edel Bürger und Millier

Magdal. Engelmann

Eheleuthe wohnhaft

in Erstein

Haben dièses Kreuz wieder errichten

lassen im Jahr 1802 Au-dessus on peut lire :

Mathias Edel Bürger und Niedermüller

und Theresia Ringeissen Eheleuthe

wohnhaft in Erstein haben dieses Kreuz

wieder renefüren lassen

im Jahr 1822. Après la' mort de Mathias Edel le Jeune, son gendre Florent Ruhlmann prit la succes­sion. Né le 21.1.1811 à Kirchheim comme fils de meunier, Ruhlmann épousa le 23.10.1832 Marie Madeleine Edel (0 13.3.1811 à Erstein au n° 99 Quartier Verd;  † 24.11.1859).

Les matrices du plan cadastral de 1834 précisent que la propriété de M. Ruhlmann Florent, sise au n° 99 Quartier Verd, comprend maison, moulin et foulon.

Plus tard, la Niedermühl passe à Donath Fux d'Illkirch ; le meunier locataire s'appelle Joseph Fechter (0 1802 à Nordhouse; † 25.4.1872 à Erstein).

En 1871, Donath Fux vend tout le domaine à l'Usine de Graffenstaden (« Elsässische Maschinen- gesellschaft ») laquelle loue le moulin à un nommé Auguste Grass (1834). Issu d'une vieille famille de meuniers de Souffelweyersheim, ce dernier épousa en seconde noce Thérèse Andres d'Erstein et s'installe non pas au moulin même, mais dans la maison d'à côté.

L'incendie qui se produisit en 1881 à la Niedermühl mit malheureusement fin à l'activité du meunier.

Auguste Grass dit « Meller-Güscht » était doué d'une force peu commune. Un jour où il était en train de fumer un champ, la voiture remplie de purin (« Küschtewäje ») s'embourba ; Güscht eût vite fait de se tirer d'embarras : se couchant sur le dos sous l'arrière du lourd véhicule, il le souleva avec les pieds en criant « Jü » ! Aussitôt les chevaux se mirent à tirer et hop ! la voiture démarra.

Auguste Grass, le dernier Niedermüller, mourût le 10 mars 1897.

L'Ile du Moulin.

Près de la Niedermühl un pont de bois traversait le Mühlgraben et menait à l'Ile du Moulin (Niedermühl insel). Au nord, l'île était délimitée par le «Giessel» ou « Gansbachel », une diffluence du Mühlgraben ; au-delà du ruisseau, s'étalait une vaste prairie appelée « Gänsmàttel », à laquelle on accédait par des « Steg », c'est-à-dire des petits ponts de bois ; en réalité, cette prairie formait une autre île circonscrite par l'Ill et le Mühlgraben ; c'était le séjour favori des oies, au point que le soir, celles-ci refusaient de rentrer au bercail.

Sur l'Ile du Moulin, vivaient, au siècle dernier, deux ou trois familles de pêcheurs, quelques paysans et même des blanchisseurs. Il fallait avoir du courage pour habiter ce petit bout de terre qui, autrefois, était soumis à des inondations saisonnières terribles. En période de fortes crues et avant l'aménagement du Canal de Décharge de l'Ill (1891), les eaux montaient parfois jusqu'à la poste et à l'église ; les gens étaient obligés de conduire le bétail en toute hâte vers la ville haute pour le mettre à l'abri au « Dàppestàll »  et pourtant sur le poteau cornier de l'une des maisonnettes de l'île on peut lire la date de construction 1733 associée aux initiales du nom des propriétaires primitifs : G.K. V.W.

Les paysans étaient des modestes «Küehbirle », c'est-à-dire des petits exploitants menant leur train de culture avec une ou deux vaches. La nourriture du bétail ne posait pas trop de problèmes, car elle était fournie en grande partie par l'Ill toute proche où flottaient les herbes longues et denses des renoncules aquatiques. Pour parvenir à la rivière, les paysans descendaient le Mühlgraben en bateau. Au cours du trajet, certains profitaient des eaux peu profondes pour harponner ici et là des anguilles couchées dans la vase ; à cet effet, ils utilisaient une sorte de trident ou tout simplement une fourchette fixée solidement à un bâton.

Les herbes de l'Ill étaient coupées à la faux et râtelées sur le bateau ; un procédé plus primitif consistait à les arracher après les avoir entortillées autour de l'extrémité fourchue d'une longue perche. Une fois le bateau rempli, il fallait remonter le Mühlgraben jusqu'au point de départ où les herbes étaient déchargées, puis transportées sur une brouette jusqu'à la ferme pour être séchées.

Il parait que les vaches étaient très friandes de ce fourrage aquatique lequel, en plus, leur permettait de donner un lait abondant et particulièrement savoureux.

Lorsque les paysans voulaient conduire leur attelage aux champs, ils étaient obligés de traverser le Mühlgraben à gué à la hauteur de la « Brülygass », car le pont de bois de la Niedermühl n'était pas assez large, ni assez solide.

Le dernier blanchisseur de l'Ile du Moulin s'appelait Martin Andres. Il s'installa vers 1877 et exerça son métier jusqu'au début de notre siècle. Il faisait partie de la famille des « Spaner Näze » qui habitaient à la Bleich, au n° 114 Quartier Rouge (actuellement n° 1 Pont de l'Ill). Son père dit «Rappel-Näz » était marié avec une nommée Thérèse Spenner et exerçait à la fois la profession de pêcheur et de blanchisseur.

Martin Andres naquit le 3.11.1849. En 1876, il épousa Juliana Fischer, une fille d'un pêcheur d'Erstein et s'établit peu après à l'Ile du Moulin. Sa femme lui donna douze enfants, 6 filles et 6 garçons. Heureusement le travail ne manquait pas ; non seulement les habitants du bourg apportaient des toiles à blanchir mais également ceux des villages environnants. Il y avait de nombreux tisserands dans la région. Rien qu'au petit village de Limersheim, on comptait à un moment donné 5 familles qui faisaient du tissage.

Les tissus de lin sortis jaunes des mains du tisserand étaient étalés sur pré et restaient étendus dehors jour et nuit. Tous les trois jours, on les retournait. Par temps sec, on les aspergeait d'eau.

Les gens attribuaient au rayonnement lunaire une action blanchissante douce et progressive alors qu'un soleil trop vif pouvait « brûler » les tissus et les rendre cassants.

« Möndbleich esch besser äss Sonnebleich » affirmait un vieux dicton.

Le père Andres pratiquait le blanchiement non seulement sur le « Gänsmättel » mais aussi en-deçà de l'Ill, sur les prairies du Brühly, où il amenait les toiles en nacelle. Pour dissuader les voleurs, il construisait chaque année une hutte dans laquelle lui et ses fils veillaient à tour de rôle. Un soir le jeune « Marte » dut prendre la garde. La nuit venait de tomber. Couché sur le sol, le garçon rêvait dans le noir aux nombreux poissons qu'il comptait prendre le lendemain dans le «Giessel» tout proche, quand tout à coup, il ressentit un choc dans le dos ; puis, au bout d'un moment, un nouveau choc qui le souleva presque de moitié. Terrorisé, le jeune homme bondit dehors et courut réveiller ses parents en s'écriant : « Ech bli nem in de Hett ! A Ardgeischt esch üss'm Bode gschlüpft un het mi àm Buckel gschtôsse ! » (Je ne reste plus dans la hutte! Un gnome est sorti de terre et m'a poussé dans le dos !). Sceptique, le père se leva, saisit un gourdin et une lanterne, et se dirigea vers la hutte pour voir de quoi il retournait. A peine eût-il éclairé l'intérieur de la cabane qu'il éclata d'un fou-rire: à l'endroit même où son fils était couché auparavant se dressait une énorme taupinière, toute fraîche; le prétendu gnome n'était en réalité qu'une vulgaire petite taupe.

La durée du blanchiement, qui variait évidemment selon les conditions atmosphéri­ques, était en moyenne de trois semaines.

Une fois blanchies et nettoyées, les toiles étaient chargées sur une brouette pour être ramenées à leurs propriétaires respectifs. Comme le chemin à parcourir était souvent long, il fallait être à deux ; tandis que l'un poussait la brouette en tenant les brancards, l'autre la tirait par devant à l'aide d'une corde passée sur l'épaule. Marcher ainsi jusqu'à Limersheim, Schaeffersheim et parfois même jusqu'à Meistratzheim, ce n'était pas une sinécure.

Andres Martin cessa son activité de blanchisseur vers 1905 et exerça par la suite la profession de cultivateur. Il mourut le 9 mai 1934 en son domicile, n° 3 Ile du Moulin.

Si un jour l'envie vous prend de flâner sur l'ancienne île, ne manquez pas de faire un brin de causette avec les vieux habitants ; avec plaisir et non sans une certaine nostalgie, ils évoqueront une foule d'anecdotes, dont ils ont été témoins pendant leur jeunesse. Sur le Gänsmättel, se trouvaient deux magnifiques poiriers dont les branches pliaient sous le poids des fruits. L'un des arbres portait des poires dites « Kànnebeere » et l'autre des « Herrehànse-beere». Les poires ne mûrissaient qu'en automne ; mais dès la fin de l'été elles excitaient la convoitise du fils du tonnelier et de ses camarades qui habitaient au Brühly, de l'autre côté de l'Ill. Chaque année, les gamins traversaient la rivière à la nage pour chaparder de ces poires qu'ils croquaient à belles dents, en se couchant dans les hautes herbes. Rien n'est meilleur que le fruit défendu, même s'il n'est pas mûr!

Au cours des conversations, les anciens du quartier vous parleront aussi des personnages pittoresques qui, naguère, faisaient partie de la vie quotidienne; comme ce «Frànz met'm goldiga Ohrelappel», surnommé ainsi à cause de la boucle d'or qu'il portait à l'oreille, l'insigne des maîtres-vanniers.

Les matins de printemps, on le voyait revenir avec deux énormes bottes d'osier qu'il trempait dans le Mühlgraben, en les alourdis­sant   avec   de   grosses   pierres.   Ensuite,   il s'installait sous le « Schopf »

(hangar) et commençait à décortiquer les rameaux de saule un à un avec sa serpette. Tous les enfants de l'île venaient s'asseoir autour de lui, pour le regarder travailler ; alors, pendant que l'osier se courbait et s'entrelaçait sous ses doigts magiques, le bon Frànz se mettait à raconter les merveilles qu'il avait vues dans la forêt du Rhin, à des endroits où personne ne pénètre jamais, « wöniemets àne kommt »  et les enfants ne se lassaient pas de l'écouter.


L'artisan tressait des paniers de toute sorte, mais sa spécialité était la confection de « Moseskerb »  qu'il décorait artistiquement avec des entrelacs de joncs. Ces petits berceaux étaient très demandés à l'époque, et pour cause !

Un soir où l'île était déjà endormie, Frànz rentra chez lui complètement éméché, en chantant à tue-tête la vieille rengaine du « Röslein auf der Heide » (Petite rose des landes) ; pendant qu'il cherchait avec la clé le trou de la serrure, sa femme lui versa par la fenêtre du haut un grand seau d'eau sur la tête en disant: « Dô hesch Wasser fer din Resala » (tiens, voilà de l'eau pour arroser ta petite rose). Du coup Frànz fut dégrisé parait-il pour toujours !

Le Mühlgraben ancienne défense naturelle du bourg, où durant un demi-millénaire se sont succédées des générations de meuniers, a été comblé définitivement en 1968 ; il en fut de même du Giessel. Déjà avant la dernière guerre la commune avait décidé de faire remblayer les « Graben ». A l'époque, un seul conseiller municipal vota contre le projet; il s'appelait Eugène Winterberger, dit « d'r Schemmel » à cause de ses cheveux très blonds ; c'était un passionné des vieux quartiers.

Aujourd'hui hélas, il ne subsiste de l'Ile du Moulin que le lieu-dit. Malgré tout, cet endroit calme a conservé une part de son charme intime d'antan, avec ses maisonnettes à pan de bois, ses petits jardins, et, au fond, l'espace vert du « Gänsmättel » baigné par l'Ill. Puisse-t-il demeurer ainsi encore longtemps !

FOSSE DES TANNEURS GRABENMUHL LOHMUHL NIEDERMUHL MEUNIERS-TANNEURS Les TANNEURS-I Les TANNEURS-II LES CLOUTIERS
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