Jadis, où l'industrie du cuir était florissante en Alsace, le bourg d'Erstein figurait parmi les plus importants centres de production avec Strasbourg, Barr, Sélestat, Colmar et Wasselonne. La proximité de vastes forêts qui donnaient l'écorce nécessaire à la fabrication du tan, ainsi que la présence d'un réseau hydrographique exceptionnel dans une région où le cheptel bovin ne manquait pas, favorisaient dans une large mesure le développement de la tannerie.

L’ANCIEN FOSSE DES TANNEURS

Un quartier riche en souvenirs

Pierre SCHMIDT

Marthe ANDLAUER

INTRODUCTION

Le Fossé de la Ville, avec ses eaux limpides et poissonneuses, ses bateaux et ses lavoirs, reste gravé dans la mémoire de beaucoup d'Ersteinois, qui se rappellent avec nostalgie cet endroit pittoresque, où certains d'entre eux ont vécu les plus belles heures de leur jeunesse.

Le Fossé prenait ses eaux à la Petite Ill (« Kleine Ill ») entre les lieux-dits « Auf den Dorfmàttlen » et « Im Schweineläger » , puis après un trajet de deux kilomètres environ, se déversait en cascade dans un ancien bras de l'Ill, le « Mühlgraben » (Mühlwasser 1672 — Mühlkanal sur le plan de 1893).

A partir de l'endroit, où se trouvait le moulin dit Grabenmühl, jusqu'à l'embouchure dans le Mühlgraben, le fossé était désigné sous le nom de « Gerbergraben », c'est-à-dire Fossé des Tanneurs, le long duquel ces artisans déployaient autrefois une intense activité.

Ce fossé délimitait le bourg proprement dit (Oberflecken) du Bas-Village (Niderflecken). En réalité, c'était un reste des premières fortifications, entreprises vers la fin du XIIème siècle par Sigbert von Frankenburg et poursuivies jusqu'au début du XIIIème siècle par son fils Sigbert von Werde.

En longeant le Fossé des Tanneurs d'amont en aval, on trouvait d'abord, sur la rive droite, le moulin dit « Grabenmühl » (1595). Ce moulin, transformé en scierie à la fin du XIXème siècle, a été démoli en 1960 et son emplacement aménagé en parking.

Quarante mètres en contre-bas, le fossé croisait la rue de Strasbourg en passant sous un pont voûté. A cet endroit, où s'élevait jadis la porte dite « Grendeltor », se dressent encore

L'arrière petit-fils de ce dernier, Johann von Werde, qui était devenu Landgrave de la Basse-Alsace en 1278, jugea ces défenses insuffisantes et décida de faire d'Erstein une véritable ville fortifiée, (voir carte annexe).

Pour cela, il fit creuser un fossé depuis la petite Ill jusqu'aux remparts ; à cette occasion, les fossés d'enceinte primitifs furent agrandis et approfondis, les murailles renforcées et rehaussées, et le Mühlgraben élargi.

La dernière phase de ces grands travaux consista dans la réalisation d'un canal d'écoulement, qui partait de l'angle nord-ouest du fossé primitif, contournait le futur Faubourg de Niederheim (Nieder- flecken) et se jetait finalement dans le Mühlgraben. Ce canal porta plus tard le nom de « Schwall- graben ».

Le Fossé des Tanneurs, dernier témoin des toutes premières fortifications, a été comblé en 1966. L'existence d'assez nombreux vestiges, jalonnant son ancien tracé, nous a incité à compulser les archives, tout en puisant dans la tradition orale, pour essayer d'évoquer quelques aspects de la vie de jadis dans ce quartier.

TOPOGRAPHIE SOMMAIRE DU QUARTIER

aujourd'hui trois anciennes maisons de tanneurs, dont la plus vieille date de 1704. Cet ensemble, comparable à un triptyque, constitue l'un des joyaux de là ville. Derrière ce complexe, le fossé était couvert d'un pont long de vingt mètres environ, dont le cintre en ogive est actuellement encore bien visible.

A quelques pas de là, sur la droite, il y a le Café de l'Ours qui donne sur la rue du moulin ; ici résonnait, dans le passé, l'enclume d'une lignée de cloutiers.