Habituellement la barque de pêche était construite avec des planches de pin. Parfois
le fond était en sapin et les cotés en pin, ou inversement. La barque de pêche est
un peu plus large en avant qu'en arrière. Sa longueur et le nombre de courbes différaient
d'une région à l'autre et dépendaient surtout du mode de pêche ainsi que de la configuration
et de la rapidité des cours d'eau.
Ainsi les pêcheurs de Rhinau avaient des bateaux de 9 à 11 mètres pourvus de deux
ou trois paires de courbes. Ceux de la Wantzenau, qui étaient des clients fidèles
de nos calfats, commandaient ordinairement des nacelles de 7 mètres, avec une ou
deux paires de courbes. Certains pêcheurs qui opéraient en eaux calmes utilisaient
des bateaux sans courbes.
La barque ersteinoise avait toujours une longueur de 9 mètres, dimension idéale
pour la pêche à l'épervier (« Spreitgàrn »). Elle était consolidée par une seule
paire de courbes, ce qui réduisait au minimum les accrochages du filet tout en permettant
un meilleur rangement des engins de pêche. Autre avantage : il était plus aisé d'épuiser
avec l'écope ; il ne faut pas oublier qu'après deux ou trois jets de l'épervier,
la barque était parfois remplie à moitié d'eau.
La largeur du fond au milieu variait entre 80 et 90 cm ; les cotés mesuraient 35
à 40 cm de haut ; les levées (« Schor ») avaient une longueur de 1,50 m.
Ce modèle de bateau était d'usage courant à Plobsheim, Nordhouse, Osthouse, Woerth
et Sand.
Cependant, la barque de pêche ersteinoise avait une particularité que nous n'avons
retrouvée nulle part ailleurs. Dans des circonstances de remontée difficile et quand
le bateau était particulièrement chargé, il fallait recourir au halage. Or, la manœuvre
était parfois entravée par les haies et les roseaux qui poussaient au bord du cours
d'eau. C'est pourquoi le seuil avant du bateau était percé d'un trou carré de 8
cm X 8 cm où on pouvait le cas échéant, implanter un petit mât de 2,50 m à 3 m de
haut, coupé généralement sur place. Le cordage de traction (« Lin ») fixé d'une
part à l'une des courbes et d'autre part au haut du mât, pouvait ainsi franchir les
obstacles.
Le calfat arrivait à frabriquer une barque de pêche en une journée, à condition que
les différentes pièces de bois soient équarries et prêtes à l'emploi.
Relativement léger, ce genre de bateau paraissait très maniable, sauf dans les courants
tumultueux où seuls des rameurs adroits et expérimentés pouvaient s'aventurée [
14 ]. La descente de chutes d'eau, comme celle de l'ancien « Sausteg » de notre forêt
du Rhin, s'avérait particulièrement délicate ; dans cette éventualité, il fallait
une certaine charge pour assurer la stabilité du bateau.
La barque de pêche n'avait pas seulement un rôle utilitaire. Le dimanche, jeunes
gens et familles en profitaient pour faire des promenades idylliques à travers des
paysages aujourd'hui disparus.