2013

Comme nous l'avons indique en introduction, la demande de protection au titre des Monuments historiques de la Cité ouvrière de la rue du Général Leclerc est au départ une démarche initiée par la municipalité, visant la reconnaissance de l'his­toire industrielle d'Erstein et la prise en compte de la qualité environnementale de ce quartier en particulier. Bien sûr, on peut regretter la disparition de la plus grande partie du site de production de la filature de laine peignée et la banalisation de ce paysage de l'industrie tel que nous l'avons présenté au début de cet article.


Mais il faut tou­tefois indiquer que cette demande s'inscrit dans un ensemble de projets publics valorisant le patri­moine industriel de la commune : la restauration de l'ancienne Villa Reichard transformée en Mai­son de la Solidarité, la réalisation de la Média­thèque dans "ancienne chaufferie de la filature, la réflexion préalable à la mise en place d'une charte environnementale permettant de conseiller et d'accompagner les choix des Ersteinois, etc. Tous ces éléments, traduits dans les documents d'urbanisme, convergent dans la même direction : le maintien de l'esprit des lieux et une recherche qualitative de l'environnement urbain. Il est im­portant de souligner ici l'engagement actuel des élus actuels d"Erstein, ce qui n'est pas le cas dans d'autres territoires au passé similaire.


En ce qui concerne la Cité, nous avons proposé une reconstitution de « la maison d'ori­gine » sous forme de croquis. Bien évidemment-aucune maison de la Cité ne nous est parvenue dans son état d'origine. Il faut « piocher » dans plusieurs maisons ayant chacune conserve l'un ou l'autre élément, pour se faire une idée de ce qu'était l'architecture initiale. Ensuite, il faut se représenter ce modèle type multiplié dix-sept fois. Si la qualité paysagère est facile à appré­hender, cela n'était pas un exercice évident pour l'architecture, car il a fallu faire des choix liés à l'interprétation des données croisées entre les archives et le terrain. Trois exemples illustrent cette difficulté.


Pour commencer. la question du traitement des matériaux de façade. Comme nous l'avons indiqué, ces maisons sont construites en briques jaunes non enduites, posées sur un solin en grès.Or, ce qui aujourd'hui constitue l'identité de la Cité ouvrière, c'est certainement ce traitement d'aspect contrasté avec l'utilisation d'une teinte claire sur les façades, et d'une teinte plus fon­cée pour les éléments de décors saillants, dont les briques, qui sont redessinées.

 Finalement, on pourrait se dire que peu importe les couleurs, c'est le contraste qui rend lisible la maison, sa structure et son décor. C'est dans cette direction que nous allons alors sensibiliser les habitants en les engageant à faire, dans le cadre de travaux de réfection de façade, un choix de ce type pour retrouver une certaine cohérence d'ensemble.


Ensuite, nous pouvons parler du cas des van­taux des portes d'entrée sur la rue. Les plus an­ciens repérés se présentent sous la forme d'un panneau de bois ayant un percement de forme octogonale. Or, sur les photographies anciennes cette porte est beaucoup plus massive, avec des bandeaux de bois horizontaux, et aucune ouver­ture vitrée. Certaines de ces portes sont en place à l'arrière des maisons sans que d'ailleurs on soit capable de dire si elles étaient là dès l'origine, ou si l'on a réemployé les portes sur rue au mo­ment où la filature a décidé de les changer.


Ce qui compte ici. c'est alors plus l'utilisation du bois comme matériaux, la cohérence d'un modèle appliqué à l'ensemble des maisons, et peut-être aussi le maintien d'un élément de décors comme peut l'être cet octogone vitré, fonctionnel par ail­leurs car éclairant le couloir et l'escalier à l'intérieur.


Enfin nous pouvons parler rapidement des clôtures sur rue des parcelles et de leurs portails. On l'a compris, à l'origine, ces clôtures étaient en treillage de bois. Dans les années 1950, la filature remplace le bois par un grillage épais sur poteaux métalliques, plus facile d'entretien. Mais le re­gard passe toujours entre le solin de la maison et la chaussée, assurant une continuité paysagère entre les Vorgarten plantés de lilas et de vignes et l'espace public de circulation.


Cela participe à la qualité de l'ensemble, implanté dans un environ­nement très végétalisé. C'est exactement ce qui aujourd'hui a été perdu. Moins que le matériau et la couleur, c'est le traitement léger de la clôture et la végétalisation du sol qu'il faut alors mettre en avant dans les prescriptions d'aménagement à venir. Ainsi, la conséquence immédiate de celle élude patrimoniale qui a mis en avant les élé­ments remarquables des maisons individuelles, et de l'ensemble de la Cité, sera sa prise en compte dans les choix futurs des habitants sensibilisés et accompagnés en cela par la municipalité.

Patri­moine de la commune

... et envisager l'avenir

Conclusion : les maisons de la Cité ouvrière de le rue du Général Leclerc, un modèle à Erstein ?

La Cité ouvrière de la rue du Général Leclerc témoigne du passé industriel d'Erstein et sa conservation participe à la reconnaissance des programmes de logements ouvriers comme un patrimoine parmi d'autres. A l'échelle de la Région Alsace, cette Cité est un marqueur d'une certaine conception sociale, économique et cultu­relle de la société, et également d'une manière de vivre et d'habiter.


En proposant l'inscription au titre des monuments historiques de cette Cité, la DRAC Alsace s'engage dans la reconnaissance, la valorisation et la conservation d'un nouveau champ du patrimoine régional : l'habitat ouvrier. Dans cette perspective, les Services de l'Etat ont été amené à se doter de nouveaux outils de ges­tion afin d'accompagner à l'avenir l'appropriation de ces architectures modestes et sérielles par les habitants dont certains n'ont pas connu le contexte industriel local.


La notion de monument historique  a elle même été réinterrogée dans cette procédure pour inclure des dimensions socio-temporelles inhérentes à ces édifices. Par ailleurs, outre l'intérêt intrinsèque du pro­gramme de la Cité, il est important d'indiquer que d'autres maisons similaires existent à Erstein, construites par les entrepreneurs Willer et Wittenbourg. Celles de la rue du Général Leclerc leur auraient alors servi de prototype, parfois plus grandes, parfois construites de manière isolée, mais présentant toutes des similitudes de traitement ar­chitectural avec les premières.


Ainsi, en étudiant la Cité ouvrière de la rue du Général Leclerc, son histoire, sa structure, ses qualités architecturales, et en élaborant des outils de gestion adaptés, cette étude permet d'appréhender plus largement l'évo­lution du tissu bâti d'Erstein, et d'en maintenir la cohérence et la qualité.

Vue arrière et remise
Maison bi-familiale de la Cité