2013

En préambule, il faut indiquer que nous avons été obligés, en amont de l'étude, d'élaborer nos propres outils d'analyse de terrain. Nous nous sommes évidemment appuyés sur des méthodes existantes : celle du service de l'Inventaire géné­ral du patrimoine, mais adapté à la problématique de l'architecture sérielle, et celle établie dans le cadre de l'étude patrimoniale de la Cité paysanne de Marckolsheim l'enjeu de ce terrain d'étude réside dans la nécessité de prendre en compte tout autant les qualités de l'ensemble de la Cité que les dispositifs individuels.


Ainsi, il a fallu élaborer des outils d'analyse répondant bien à la compréhension de ce patri­moine à toutes les échelles : au niveau régional, à celle du ban communal d'Erstein, à l'échelle des possessions de la filature, à celle de la rue, puis de la parcelle, et enfin de la maison indivi­duelle.


Par ailleurs, il fallait produire et conser­ver une grande quantité de données, notamment photographiques, qui peuvent être mobilisées rapidement, en fonction des interrogations des propriétaires ou des services gestionnaires de ce patrimoine. Enfin, nous devions être capables de présenter des cartes de synthèse et des tableaux croisés comparant l'état d'intégrité de la Cité en fonction de ce qui pouvait constituer sa qualité patrimoniale.



L'inventaire du patrimoine de la Cité ouvrière

Dans cette perspective, nous avons d'abord travaillé à un inventaire systématique de tous les éléments du bâti. Celui-ci se base sur l'observa­tion, le relevé et le reportage photographique. Il permet de recenser les cléments urbains, architec­turaux et décoratifs pour chaque maison, adresse par adresse. 11 organise les éléments relevés : per­sistance de la remise à l'arrière du bâti, analyse des menuiseries, clôtures, cheminées, escaliers, décrottoirs, volets d'origines, arc de décharge, bandeau horizontal et vertical en brique, chaî­nage d'angle, traitement des joints, couleur des façades, tuiles de rive, décors de faîtière, etc. Ainsi, une fiche d'identité pour chaque maison est établie en n'excluant aucun élément, même celui très récemment installé (isolation par l'exté­rieur, portes, fenêtres et volets en PVC, couleurs actuelles des façades, reprise /disparition/trans-formation des remise, percement de Velux, etc.). Un plan des éléments relevés sur la parcelle est également dressé.


Cet inventaire constitue finale­ment une image à un instant donné du territoire sur lequel nous travaillons. En plus de l'observa­tion, les fiches présentent les différents proprié­taires, si cela est possible, et témoignent égale­ment des échanges que nous avons eu avec les habitants quant aux transformations récentes. En effet, de petits entretiens ont été menés lorsque ces derniers étaient disponibles.

En parallèle de ce travail de terrain, un tra­vail de recherche dans les archives a été mené. Comme nous l'avons déjà évoqué, les archives de la filature de laine peignée sont conservées par Pierre Drach, ancien mécanicien de l'entreprise et passionné de son histoire.


Ce qui concerne les possessions de la filature et plus particulièrement la Cité ouvrière, représente une toute petite partie de ces archives, elles-mêmes incomplètes. Néan­moins, l'analyse de certains documents déjà men­tionnés ou d'autres documents iconographiques, ont permis de contractualiser ce programme ur­bain et d'illustrer certaines hypothèses issues de l'observation.


Malgré le temps qui nous a manqué pour exploiter davantage les archives, nous avons quand même réussi à confronter le projet à la réa­lité pour documenter l'état de la Cité ouvrière au moment de sa réalisation.

Ainsi, nos fiches indi­viduelles ont été augmentées de mentions, quant à l'authenticité de tel ou tel élément conservé.


D'un point de vue de l'organisation urbaine et de l'environnement paysager de la Cité ouvrière, les photographies anciennes révèlent le caractère campagnard, presque bucolique, de la Cite. Deux lilas sont plantés devant chaque mai­son (dans le Vorgarten), et agrémentent sa façade sur laquelle court en plus une vigne. Avec encore en plus un potager de chaque côté des unités bi-familiales, et les jardins partagés à l'arrière, on imagine aisément que la Cité était implantée dans un cadre très vert.


Par ailleurs, la légèreté des clôtures (en treillage de bois au départ, rempla­cés par un grillage par la suite) devait permettre au regard de passer de l'espace public de la rue jusqu'à la maison, dont le solin en grès est traité de manière soignée. Cette continuité est devenue illisible de nos jours.

Il semble possible qu'au départ, les maisons n'étaient pas enduites et la brique jaune était alors apparente. Mais comme le montrent les photographies anciennes, rapidement, des teintes claires sont apposées sur les façades et les éléments décoratifs sont traités en contraste.


Il est amusant de relever que les briques des arcs de décharges, des bandeaux et des chaînage, ont été peintes en rouge avec un joint peint en blanc, comme pour affirmer et renforcer l'identité industrielle de la Cité.

Photographie du pignon
Elévation sur rue
Maison non enduite

Ce choix sobre peut répondre certainement à la fois aux soucis d'économie des dirigeants la filature et à la représentation qu'ils se faisaient de l'apparence d'une cité ouvrière. Dans la même perspective de constructions proposant une mise en œuvre rapide et peu onéreuse, nous pouvons indiquer l'utilisation de tuiles mécanique à relief. Ce modèle est inventé par les frères Gilardoni, en 1841, et elles sont fabriquées à Altkirch. Ces tuiles connaissent un vif succès, car leur emboîte­ment les rend facile à poser : elles sont plus sûres et surtout moins coûteuses.