2013

L'INTERIEUR  DES  MAISONS

En ce qui concerne l'organisation intérieure des maisons telles qu'elles ont été conçues par Willer et Wittenburg, en se basant sur les plans et élévations de 1884, elles comptent au rez-de-chaussée une cuisine (qui donne accès à la cave partielle en sous-sol)s une pièce à vivre et une chambre, et à l'étage deux chambres. La surface habitable représente 60 m² contre 120 m² si on inclut les espaces de stockage et de cir­culation. En guise d'équipements intérieurs, on trouve un poêle à bois/cuisinière en fonte et un large évier en grès dans la cuisine puis encore un passe-plat entre la Stube et la cuisine. Une fosse pour la récupération des eaux usées est creusée à l'arrière, entre la maison et la remise.


De plus, il est important de noter que si les mai­sons ne comprennent pas de pièce d'eau, elles comportent, à l'intérieur, des toilettes à l'étage, ce qui est le signe d'un certain confort, que l'on retrouve à la même époque dans d'autres cités ouvrières, notamment dans le Haut-Rhin. Il est à noter que les maisons de la Cité ouvrière ont été désignées par l'expression alsacienne Neye Hisle qui se traduit en français par Maisons nouvelles. ce qui témoigne encore une fois de l'impact de la construction de ce nouveau quartier dans la mémoire collective des habitants.


Enfin, répondant à l'origine rurale d'une majorité des ouvriers, et dans une perspective d'assu­rer une auto suffisance aux familles, les maisons de la Cité ouvrière sont équipées d'une remise pouvant faire office de porcherie et permettant d'élever de petits animaux (lapins, volailles etc.). Ces remises sont des constructions légères, sans fondations, en maçonnerie et bois, dont l'étage est accessible par une échelle. Elles sont reliées à la fosse d'évacuation des eaux usées qui les séparent de l'élévation antérieure de la maison.


Ce travail d'analyse des archives collectées, confronté à l'inventaire du bâti tel que déjà pré­senté, a permis de réaliser une critique d'authen­ticité nécessaire à la proposition de protection au titre des monuments historiques de cet ensemble urbain.


Les éléments recueillis dans les fiches individuelles des maisons ont alors été reportés dans des tableaux croisés permettant d'entrer par parties constituantes, par éléments décoratifs, par type de matériaux, etc. Ainsi, il est possible de savoir combien de portes d'origine sont encore conservées, où sont les remises les plus fidèles au dessin d'origine ou encore comment étaient décorées les rives et les faîtières de toiture et si ces tuiles sont encore en place. Ces tableaux sont ensuite traduits sous forme de cartes.


Cette démarche vise à documenter l'écart entre le projet d'origine, visible dans les documents d'archives, et la réalité en 2012. Comme nous Pavons déjà indiqué, l'année 1977 marque un tournant majeur dans le traitement homogène de la Cité. C'est à partir de ce moment-là que com­mence l'appropriation de l'espace et du bâti par les habitants. Dès lors, le besoin de différenciation individuelle s'affirme et transforme les maisons.


Par ailleurs, le confort sommaire des habitations ne répondant plus aux besoins contemporains, des travaux d'équipement intérieur devaient per­mettre l'aménagement d'une vraie salle de bain, d'une chambre supplémentaire à l'étage, d'une cuisine équipée, etc. Par exemple, la réorganisation intérieure se traduit dans presque tous les cas par l'installation d'un Velux pour éclairer la nouvelle pièce.

... pour comprendre le présent...


En ce qui concerne l'extérieur, les habitants aménagent à leur goût les parcelles et procèdent à des travaux de façades. Celles-ci sont repeintes dans des couleurs plus franches et les joints des briques ne sont plus traités de manière différen­ciée, les éléments décoratifs sont parfois masqués ou ils disparaissent sous des travaux d'isolation par l'extérieur.


Les menuiseries d'origine sont remplacées, notamment les portes, et les volets roulants se multiplient, parfois en conservant les anciens volets. Les clôtures légères laissent la place à des murets en partie ou complètement maçonnés, les escaliers en grès sont parfois re­couverts de carrelage.


L'inventaire du bâti de la Cité ouvrière devait prendre en compte toutes ces transformations modernes et en définir l'impact sur la qualité patrimoniale de l'ensemble. La notion d'irréver­sibilité devait nous permettre d'évaluer la perte d'authenticité de chacune des maisons et par là-même de l'ensemble.


Cette démarche a été aussi l'occasion de révéler l'attachement des habitants à la Cité et à l'histoire industrielle de la ville. En effet, on compte de nombreux exemples où des travaux importants ont fortement transformé l'aspect des maisons, mais où le propriétaire a souhaité conserver un élément du décor ou de la composition d'origine.

Et si on ne prend pas en compte cette relation affective entre l'habitant et sa maison, la conservation du décrottoir sur un escalier en carrelage multicolore ou le maintien des décors de rive et de faîtière sur une toiture moderne dans le cas d'une maison isolée par l'extérieur peut paraître contradictoire.


En ce qui concerne la représentation cartogra­phique de cette critique d'authenticité, il a été possible de réaliser deux cartes de synthèse. En effet, il a semblé judicieux de prendre en compte autant l'intégrité du bâti, c'est à dire la qualité de conservation du patrimoine que de la perception urbaine de la Cité, c'est à dire la cohérence d'ensemble. La première carte permet d'établir une hiérarchie sur la valeur intrinsèque de cha­cune des maisons, et la seconde nous renseigne sur le potentiel de participation de chaque maison à la qualité de l'ensemble de la Cité.


Ces caries se basent, d'une part sur l'aspect quantitatif des éléments d'origine inventoriés. d'autre part sur leur aspect qualitatif évalué par une échelle de valeur. Elles nous révèlent que si les maisons ont toutes été transformées, peu d'entre-elles nuisent finalement à la perception d'ensemble. Et pour celles qui ont totalement perdu leur qualité patrimoniale, nous tendons à espérer qu'une fois l'isolation déposée, elles re­trouveront toutes leurs caractéristiques.

Plan , élévations et coupe d’une maison de la Cité (1894) Fond P. Drach