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Pour situer Irmengarde, il faut revenir sur l'histoi­re d'Erstein et particulièrement sur l'époque après Charlemagne, car sa vie est étroitement liée au contexte politique et religieux de ce temps.

Erstein est un site occupé de longue date par l'hom­me, les Romains comme les populations précédentes y ont laissé leurs traces. La région a subi les invasions successives après les Romains.

En 406 arrivent les Alamans, l'Alsace tombe par­tiellement sous leur domination. Entre temps, les Francs sont vainqueurs des Gaulois, et après la bataille de Tolbiac (496) s'attaquent aux Alamans. Après leur défaite, l'Alsace entre dans le royaume des Francs. En effet, d'après le droit germanique, tout ter­ritoire occupé par le vainqueur, entre en sa posses­sion et peut être distribué à des guerriers méritants. C'est ainsi qu'Erstein devient bien de la Couronne. Cette Villa Regia est un immense domaine agricole dont les revenus sont remis à la cour à des dates déter­minées. Un palais, que l'on appelait Pfalz  accueillait de temps en temps le souverain et sa cour.

A cette époque se situe la christianisation de la région ; elle avait commencé un siècle plus tôt, mais les invasions avec leurs troubles avaient tout remis en question. La paroisse St. Martin remonte au VIe  siècle.

En l'an 817 Erstein entre dans l'histoire.

Louis le Pieux ou le Débonnaire, fils de Charle­magne, prend la succession de son père en 814. En 817, pour éviter de futures querelles, il décide de par­tager son immense empire entre ses trois fils, par le Traité d'Aix la Chapelle.

 -  Lothaire I, l'aîné, obtient la bande médiane qui est la plus grande. Dès l'an 823, il est associé à son père comme régent.

 -  Louis (le Germanique) obtient à l'Est, la Bavière.

 -  Pépin obtient à l'Ouest, l'Aquitaine.

Après ce partage, le père et son fils Lothaire orga­nisent une grande chasse dans les Vosges. Ils séjournent à la Villa Regia d'Herinstein et c'est là que l'Empereur offre ce domaine à son fils avec 60 manses  et les serfs qui en font partie.

Il est à supposer que Louis le Débonnaire avait l'in­tention de rapprocher son fils avec Hugues III, le plus riche et le plus puissant Seigneur d'Alsace.

Hugues III, comte d'Alsace et de Tours, est un des­cendant du frère de Ste Odile. Il avait de grandes res­ponsabilités sous Charlemagne et sous Louis le Débonnaire, et fera parler de lui par la suite.

Hugues III avait cinq enfants : Adélaïde, Irmengarde, Luitfried, Adalbert et Hugues, qui mou­rut en bas âge.

Adélaïde épouse en secondes noces Robert le Fort, Duc d'Anjou ; elle est l'aïeule de Hugues Capet, donc des Capétiens qui régnent en France jusqu'à la Révolution.

Irmengarde dont le nom signifie "Puissante Protectrice" épouse en octobre 821 Lothaire Ier, elle deviendra Impératrice. Le mariage a lieu à Thionville (Diedenhoffen). La cérémonie est grandiose ; y assis­tent l'Evêque de Strasbourg et 32 prélats. Le pape Pascal envoie une délégation avec des présents. Un poème composé pour la circonstance parle de la "blonde fille du duc d'Alsace" et la couvre d'éloges.

Le lendemain des noces, Lothaire offre à sa jeune épouse, la "Villa Regia d'Herinstein". Ce don était un usage courant, il devait garantir des revenus à l'épou­se en cas de veuvage ; on l'appelait "Morgen-gabe".

Les frères d'Irmengarde seront mêlés à l'histoire familiale et politique. Lors du mariage, Hugues III obtient de l'Empereur un couvent à Auxerre, avec les bénéfices ; il devient un des seigneurs les plus puis­sants et usera de son influence sur son gendre.

Lothaire reçoit l'Italie, qui s'étend sur l'Italie du Nord actuelle. Le jeune couple, sur invitation du Pape, entreprend le voyage. Lothaire est couronné empereur et Roi d'Italie le 5 avril 823 à St. Pierre de Rome.


Irmengarde donne naissance à :

      Louis II en 822.

      Lothaire II, futur empereur en 825.

      Charles de Provence.

      Bertha,  qui  devient Abbesse  d'un  couvent  à Reims.

      Helltrude, qui épouse en 841 un comte Berengar.

      Irmgarde, qui se fait enlever en 846 par un comte de Brabant.

Gisèle,  qui  devient  Abbesse du  couvent  St. Salvator à Brescia.

Rotrude, née en 835, qui devient Abbesse à Erstein.


Jusqu'en 827 Irmengarde mène une vie sereine ; c'est alors que son époux Lothaire Ier devient le prin­cipal instigateur de la révolte des fils de Louis le Débonnaire contre leur père. L'origine de cette révol­te est la naissance de Charles, dit le Chauve, issu du second mariage de Louis le Débonnaire. Sa femme Judith manœuvre en faveur de son fils et essaye de faire changer le partage de l'empire, datant de 817. Au début, Lothaire semble consentant à céder une partie des biens à son jeune frère dont il est le par­rain, mais bientôt change d'avis, soutenu par son beau-père Hugues et les frères qui ne veulent pas se priver, pour accorder également une couronne à leur demi frère.


En 829, l'Empereur donne à Charles une partie des terres, ce qui provoque la rupture définitive. La guer­re éclate. Lothaire part pour l'Alsace avec une armée, et rencontre celle de son père près de Sigolsheim en juin 833. Il y a trahison ; malgré l'intervention du pape pour arbitrer la querelle ; Louis le Débonnaire est déchu par ses fils sur le "Lugenfeld". Lothaire se montre très dur envers son père et le traîne jusqu'à Soisson où il est enfermé dans le couvent St. Médard.

Mais dès novembre, il l'oblige à le suivre à Aix la Chapelle. Lothaire se fait proclamer Empereur et Roi d'Italie, s'aliénant ainsi la confiance de ses frères, mais toujours soutenu par Hugues, son beau-père. Il doit quitter Aix la Chapelle et rejoint la Bourgogne par Paris.

Louis le Débonnaire retrouve sa liberté et son trône ; il encourage son fils à la réconciliation mais celui-ci refuse et va rejoindre ses anciens alliés, Hugues et ses compagnons. Acculé, il cède et va implorer le pardon paternel avec ses complices. L'empereur pardonne à son fils, mais lui prend les possessions à l'Ouest des Alpes et l'oblige à résider dans son royaume d'Italie. Il s'y rend avec Irmengarde et les enfants et s'établit à Pavie. Irmengarde y donne naissance à Rotrude, sa plus jeune fille. Beaucoup de ses compagnons qui les avaient accompagnés meu­rent de la peste qui sévit en Italie. Le Comte Hugues est l'une des victimes.


En 839, Lothaire se rend à Worms sur demande de son père. Son frère Pépin étant décédé, Charles, le demi-frère, peut être dédommagé sans nuire aux autres. En 840, le vieil empereur meurt sur les bords du Rhin ; il s'apprêtait à combattre son fils Louis. Immédiatement, Lothaire réapparaît dans le Nord ; ses frères, pris de peur, montent une armée contre lui.


Le 25 juin 841, Lothaire se fait battre près d'Auxerre, mais ce n'est que partie remise ; il avance vers Paris. Charles et Louis s'unissent par le fameux "Serment de Strasbourg" (le 14 février 842), leur armée pourchasse Lothaire. Irmengarde et les enfants l'accompagnent et fuient jusqu'à Lyon. Les frères se rencontrent à Mâcon et le 10 août 843, le Traité de Verdun partage enfin l'empire carolingien entre les descendants de Louis le Débonnaire.

Charles le Chauve ayant vaincu Lothaire, peut se faire couronner Roi de France, tandis que le 2' fils de Lothaire II se voit attribuer les vastes territoires situés entre le Rhin, la Meuse et l'Escaut, qui pren­nent le nom de Lotharingie ou Lorraine (l'Alsace fait partie de ce lot).

Lothaire Ier peut conserver la Provence et la Bourgogne et son titre d'empereur. Louis le Germanique obtient les pays à l'Est du Rhin et de l'Aar.

Que de tracas pour Irmengarde aux côtés de cet époux ambitieux, ne reculant devant aucune intrigue. Elle voyage sans cesse, donne naissance à sa nom­breuse famille, se débat dans les querelles familiales. Ses enfants ne lui épargnent guère les soucis.

Son fils Lothaire II, quoique marié, revient à sa première liaison, une parente de sa mère, nommée Waltrade. Lothaire veut se séparer de sa femme, mais les papes Nicolas et Adrien lui ordonnent de reprendre son épouse, et Waltrade est excommuniée. A la mort de Lothaire II, Waltrade, qui avait trois enfants, prend le voile à l'Abbaye de Remiremont et l'épouse restée sans enfants se retire dans un monas­tère de Metz.

Sa fille Irmgarde est enlevée en 846 par le Comte de Brabant qui l'épouse ; cela risque de rallumer les hostilités avec Charles le Chauve car le Comte de Brabant est un vassal de Charles.

Son autre fille Bertha, mariée très jeune, perd son époux, puis décide d'entrer au couvent d'Avenay près de Reims avec sa petite fille. Elles se font nonnes toutes les deux.

Gisèle est mise au couvent San Salvator de Brescia par sa mère. Ce couvent a été donné à Irmengarde en 835 par Lothaire ; et en 838 il renou­velle ce don à sa femme qui doit profiter des revenus de ce couvent durant toute sa vie. Gisèle héritera de ces privilèges à la mort de sa mère. Elle sera Abbesse de San Salvator et également nonne.

Rotrude, la plus jeune, née en 835 à Pavie, reste encore à placer.


IRMENGARDE FONDATRICE DE L'ABBAYE D'ERSTEIN