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LÉGENDE ET RÉALITÉ

ERSTEIN - CHUTE DE LA VILLE FORTIFIÉE

Les Strasbourgeois, désireux de rétablir au plus vite la liberté de communication, s'opposent très vite aux prétentions des seigneurs de Geroldseck, d'autant plus que quelques commerçants strasbourgeois venaient, à nouveau, d'être impor- tunés par les Geroldseck du côté de la Schwanau.

L'Evêque de Strasbourg, se montrant prêt à prendre les armes contre Walter, la Ville de Berne étant d'ac­cord pour envoyer Burkhard, le meilleur "machinis­te" de l'époque, les magistrats strasbourgeois, assu­rés du secours des villes de Bâle et de Fribourg, ainsi que de celui de Bertold, entrent en campagne.

Le 1er avril 1333, jeudi saint, ils mettent le siège devant la ville fortifiée d'Erstein. Le fossé du rempart presque à sec (un printemps particulièrement chaud et ensoleillé), permet aux assaillants d'amener leurs machines de guerre au pied des murs d'enceinte, sur­tout du côté nord, le plus vulnérable.

Le lendemain 2 avril, après avoir ouvert plusieurs brèches dans les murailles, les Strasbourgeois pénè­trent dans la ville et la conquièrent, sans rencontrer, semble-t-il, beaucoup de résistance. On ne connaît guère les raisons de cette capitulation ultra-rapide. Peut-être, les défenseurs étaient-ils occupés par leurs devoirs religieux, ne pouvant concevoir qu'un ven­dredi saint, un prélat puisse accepter qu'on entrepren­ne une action de guerre, et fasse occire d'honorables chrétiens...

Les vainqueurs quittent presque immé­diatement la ville conquise, y laissent une garnison et mènent en captivité, comme il est d'usage, les che­valiers (Erterin von Girbaden... Otteman von Matzenheim...) et leurs écuyers (Nibelung von Maizenheim... Berleum von Uttenheim... Kuntzmann von Westhausen...). Ils seront libérés, après versement d'une rançon, le 25 juin 1334, deux jours après la signature de la paix.

D'après ce traité, la forteresse d'Erstein et la Schwanau, seront démantelées et ne pourront être reconstruites (trois siècles plus tard, ce manque de défenses aura pour notre cité des conséquences dra­matiques).

Les pierres (2) provenant de la démolition des murailles sont mises en vente par la ville (1000 Schillings - Pfennigs pour qui construit extra-muros. gratuité pour qui construit sur les remparts). Cependant, en 1344. J. Wecker, un Ersteinois. cha­noine de l'église St. Pierre de Strasbourg, fait recons­truire, à ses frais, une partie des murs d'enceinte et creuser à nouveau les douves. Les exécuteurs testamentaires du chanoine réclameront à la ville le rem­boursement des frais (60 livres, 22 onces), mais seront déboutés.

Il existe encore des pierres provenant des fortifi­cations à Erstein. Elles sont cachées dans de vieux murs ou garnissent des jardins. L'œil averti reconnaît les marques des tailleurs de pierre du XIIe siècle (Steinmetzzeichen, (voir images -signes tailleurs-et-signes tailleurs 1-) qui sont les mêmes que ceux que l'on retrouve sur le Hohengeroldseck. et certains châ­teaux forts d'Alsace. Les tailleurs de pierres allaient de chantier en chantier et marquaient chaque pierre d'un signe qui leur était propre.

(2) Convention entre Nicolas Zorn. le Schultheiss de Strasbourg et son frère d'une pari, et la ville d'Erstein d'autre pari, au sujet de l'usage des pierres provenant des murs d'enceinte, avec mention des prix des pierres taillées et non taillées (parchemin allemand de 1331. archives de la ville).

sceaux

Sceaux de la maison de Geroldseck (Heinrich et Walter junior) de l'année 1300.

Il va sans dire que cet épisode guerrier n'a pas man­qué d'exciter les imaginations et très vite la légende s'est mêlée à la réalité.

Ainsi, pour prouver l'inutilité de leurs efforts et inciter les assaillants à lever le siège, le commandant du fort aurait invité (erreur fatale) un représentant des alliés à visiter la forte­resse .

Au retour, après avoir entendu le rapport du visi­teur, il apparaît clairement que la forteresse ne peut être investie par la force et c'est ainsi que germe l'idée de détériorer les vivres et les réserves d'eau par le purin. Lorsque la situation était devenue intenable et qu'il fallut se rendre sans condition à la grâce des assaillants.

On autorisa Anna von Furstenberg née Géroldseck à quitter le château avec ce qui lui était de plus précieux et qu'elle était capable de porter. Elle passa le pont-levis, portant son mari sur son dos et un jeune fils sur le bras.

Malgré les protestations des villes alliées qui ne voulaient pas accepter cette solu­tion, les nobles représentants des villes de Strasbourg et de Bâle, qui avaient mené les pourparlers de la capitulation, permirent aux trois rescapés de se rendre, libres, en pays de Bade.

Il est clair que cette histoire n'est qu'une répétition de la légende de la conquête du château du Weinsberg en 1140.

La chute des places fortes d'Erstein et de la Schwanau ne met pas fin à la croisade des villes rhé­nanes et suisses contre les seigneurs qui mettent en danger le commerce dans la vallée du Rhin.

Pendant le siège de la Schwanau, on avait amené de Stras- bourg des bateaux et construit un pont sur le Rhin pour per- mettre aux armées de traverser le fleuve. L'Evêque de Strasbourg, avec ses cavaliers et ses valets, se déplace vers le Nord, attaque, pille et incen­die le village de Steinbach.

Les armées des villes alliées continuent à s'en prendre aux domaines des Geroldseck. Elles inves­tissent, attaquent, conquièrent, mettent à sac et incen­dient la petite cité fortifiée de Schuttern. Le couvent, situé à l'intérieur de la ville (Abbaye bénédictine fon­dée sous Dagobert au début du VIIe siècle et riche­ment dotée sous Heinrich II) est lui aussi incendié et presque entièrement détruit.

Ensuite, chaque armée rejoint sa ville d'origine, pillant et incendiant sur son passage les villages et les fermes sans défense de la plaine.

Les verrous posés par les seigneurs de Geroldseck ayant sauté, les voies commerciales sur le Rhin, en Alsace et en Pays de Bade, sont presque libres de toute entrave (sauf les droits de péage au passage de chaque ville).

La paix est signée le 23 juin 1334. Le 20 novembre de la même année, Walter von Geroldseck et ses fils font connaître qu'ils se sont mis d'accord avec les Strasbourgeois pour ce qui est des bénéfices de leur fief d'Erstein, Zorn, l'ancien détenteur de la créance communale, est chargé de l'administration de la ville d'Erstein. Le 24 septembre 1335, il confirme la char­te de 1303 des bourgeois d'Erstein. Néanmoins, les droits des seigneurs de Geroldseck sur la ville ne sont pas remis en cause.

FIN DE LA CAMPAGNE

Encouragés par la prise facile de la ville d'Erstein, les Strasbourgeois décident tres rapidement de faire sauter le verrou de la Schwanau. Par un pacte signé le 15 avril 1333, les Strasbourgeois font alliance avec les villes de Fribourg, Bâle. Bcrn, Zurich, avec plu­sieurs chevaliers (Albrecht d'Autriche, gouverneur de Haute-Alsace...) avec les villes de Haguenau, Colmar, Rosheim, Sélestat, Mulhouse, Ehnheim (Obernai), Brisach, Ensisheim, Neuenburg, Rheinfelden.

Toutes participent avec leurs troupes au siège de la Schwanau (détails curieux : le traité fait mention également du Fort d'Erstein, ce qui laisse à supposer que. si la ville s'était rendue rapidement, l'ancienne "Pfalz", la "Kirschburg". résiste encore pour ne capituler, sans doute, qu'après la prise de la Schwanau ci curieusement, on ne trouve pas la signa­ture de l'Evêque dans le traité).

Trois semaines après la chute d'Erstein. les armées des villes alliées investissent la Schwanau. campant tout autour, chacune sous le commandement du che­valier désigné par sa ville, dans le secteur qui lui est alloué. Par tous les moyens et par de très importants travaux d'approche, les assaillants cherchent à trou­ver une faille et à s'approcher le plus possible de la forteresse.

Mais dans les marais qui entourent la place, tous les efforts se seraient, sans doute, avérés vains, si la météorologie ne s'était pas mise au servi­ce des alliés.

Une longue période de chaleur caniculaire avait asséché, en partie, les marécages et fait évaporer l'eau des douves. Durant toute la durée du siège, il ne tomba pas une goutte de pluie, ce qui fit dire aux assiégés « Dieu combat avec nos ennemis ».

Les défenseurs, abondamment approvisionnés en vivres et en eau. sont en mesure, malgré leur petit nombre (une soixantaine), à soutenir un très long siège face à cette puissance armée qui les encercle, d'autant plus qu'ils ont aménagé sur les remparts de puissantes catapultes, amassé quantité de gros moel­lons, causant par leurs tirs des pertes sensibles à leurs ennemis.

Déjà, le siège avait duré plusieurs semaines, sans résultats tangibles pour les bourgeois. On avait essayé sans profit, d'énormes balistes pour ouvrir une brèche dans la muraille.

Le chef de travaux, envoyé par Berne, maître  Burkard avait construit deux énormes béliers qu'il baptisa « buffle et chat », capables de percer n'impor­te quelle muraille (reconnaissante, la ville de Strasbourg lui accorde à vie une pension honori­fique).

Selon la chronique de Strasbourg, c'est sur­tout maître Karle qui s'illustre en incendiant la mai­son d'habitation du château, obligeant les assiégés à trouver refuge dans le donjon. Mais les défenseurs refusent toujours de se rendre.

C'est alors que les Strasbourgeois ont une idée ori­ginale. Ils font vider les fosses à purin de la ville, en remplissent un grand nombre de tonnelets en bois qu'ils amènent par voitures entières devant la forte­resse Schwanau.

A l'aide de leurs catapultes, ils lan­cent le liquide nauséabond sur le château ; les ton­nelets, en éclatant, libèrent le purin qui se répand partout, contaminant les réserves d'eau et de nourri­ture. (Certains prétendent que ces tonnelets conte­naient de la chaux vive). La situation de la garnison empire de jour en jour et devient rapidement insupportable.

Le 1er juin, après cinq semaines de résistance, la garnison, ayant perdu tout espoir d'être secourue de l'extérieur par les seigneurs de Geroldseck (il n'y avait aucun représentant de la famille dans la place forte), est contrainte d'entamer les pour- parlers de reddition Sept nobles chevaliers auront la vie sauve : ils seront emmenés en captivité à Strasbourg et seront libérés un an plus tard contre une forte rançon. Presque  tous   les autres  défenseurs (53   d'après Closener, 50 d'après la Gesta Bartoldi,  60 d'après la chronique de Berne) sont décapités par le bourreau.

Un tout jeune homme et un vieillard, jugés inof­fensifs, échappent au bourreau ; ils lui sont offerts en guise de dîme. Exaspérés par la longueur de la résistance, les vainqueurs réservent un sort particulièrement hor­rible à ceux qu'ils en jugent responsables. C'est ainsi que le maître des travaux, le forgeron et les charpen­tiers, liés sur les grandes balistes, sont lancés contre le mur d'enceinte où leurs corps se fracassent.

Le château sera démoli comme les défenses de la ville d'Erstein et les pierres vendues pour de nou­velles constructions.

LE SIÈGE DE LA SCHWANAU

Copie d'un plan de 1816 qui montre les contours de la Schwanau située à 200 m env. de la ferme Zorn Von Bulach à Gerstheim. M. K. Muller de Reichenbach (Bade) avait effectué en 1992 des fouilles : il était persuadé d'avoir trouvé l'emplacement du château. Extrait du « Nouvel Alsa­cien ». 18.12.1965.