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ERSTEIN EN 1893

Publié par la S.H.Q.C  - Tome 11 (1993)

Auteurs : Liane HOLFERT - Roger LAUSECKER

Marguerite MILTENBERGER - André FISCHBACH

L'année 1893 se situe dans la période que l'on appelle "La Belle Epoque", terme né pendant les terribles années de la guerre 1914-1918, où l'on rêvait avec regret et nostalgie au temps de paix et de progrès qui caractérisait la fin du siècle.

En Alsace nous sommes bien loin de cette fureur de vivre, des fêtes mondaines avec ses fastes et son toc que connaissaient les grandes capitales de l'époque. Notre province, érigée par le vainqueur de 1870 en "Reichsland" se remettait lentement de son "annexion".

L'Alsace-Lorraine était gouvernée et administrée par l'ensemble des états allemands avec une prédominance prussienne.

Le Traité de Francfort, signé le 10 mai 1871, prévoyait la possibilité pour les Alsaciens de garder la nationalité française, à condition d'habiter la France ; nombreux furent ceux qui optèrent pour la France et quittèrent leur sol natal. En 1872 ils étaient 18.000 à émigrer en vieille France, en Afrique du Nord et en Amérique ; en 1900 ils étaient 400.000 !

C'est la presque totalité de l'élite intellectuelle qui s'expatria en France, un pan de l'industrie quitta l'Alsace, entraînant avec elle une partie de ses travailleurs. Les places des partants furent vite prises par des allemands, surtout dans les fonctions administratives, publiques, judiciaires et universitaires, mais de nombreux artisans vinrent également s'installer en Alsace. Cette arrivée massive d'Allemands permit aux vainqueurs de prendre en main la jeunesse et la modeler à sa façon.

Ceux qui sont restés subirent la germanisation systématique, il fallait effacer deux siècles d'appartenance à la France. Les protes- tations furent nombreuses, mais les allemands réagirent : l'enseignement du français fut interdit dans les écoles, les sociétés et associations surveillées, les fonctionnaires allemands contrôlaient tout, y compris la presse et les jeunes alsaciens furent dressés à la prussienne dans les casernes allemandes. Ce régime fut assoupli à la fin du siècle.

Dans ces conditions il ne restait à la population que deux alternatives : celle de courber l’échine ou celle de se révolter, elle se replia sur elle-même, se sentant alsacienne avant tout, en soulignant les particularismes de sa province et en développant une identité bien à elle, qui se résume dans la fameuse phrase de Robert Heitz :

"Allemand ne daigne, Français ne puis, Alsacien suis".

Le but des vainqueurs de 1870 était de bâtir le "Reichsland" en le germanisant, ils entreprirent d'énormes chantiers, construisant des quartiers entiers ; l'industrie reprit après la longue période d'adaptation qui suivit l’annexion. Vers la fin du siècle, l'Alsace connut une croissance importante dans l'industrie, la législation sociale, l'aménagement de la province ; on appliqua les nouvelles technologies (dont l'électricité) dans beaucoup de domaines.

  COMMENT VIVAIT-ON À ERSTEIN EN 1893 ?

La ville était bien plus petite qu'aujoud'hui, même les anciens quartiers du Bruhly, de la rue Ste Odile et la cité de la Filature, rue du Général Leclerc, ne datent que du début du siècle. L’eau était partout, le fossé et l'Ill entouraient la ville et de nombreux cours d'eau traversaient les quartiers, ils ont tous disparu.

Cette eau, présente partout, était vitale, on y pêchait, on y lavait le linge, on y baignait les chevaux et de nombreuses barques transportaient hommes et matériaux partout où c'était nécessaire. La nappe phréatique alimentait les puits, les habitants disposaient donc d'eau à volonté.

La cité abritait d'après les recensements :

- en 1890 : 4 807 habitants répartis en 1 112 foyers.

- en 1895 : 5 286 habitants répartis en 1 175 foyers.

S'ajoutaient en 1893 (d’après le recensement) :

- 343 chevaux

- 284 veaux

- 733 vaches, bœufs et taureaux

- 640 cochons

- 86 moutons -175 chèvres

- 91 ruches

et une multitude de lapins, volailles, chiens et chats.

Peu de rues étaient pavées, le tout-à-l'égout n'existait pas. Par temps de pluie on s'enfonçait ; les eaux usées qui ne servaient pas à l'alimentation du cochon, descendaient paresseusement la ruelle. Chacun recyclait les déchets, soit pour élever les animaux, soit pour le compost et le cabanon, au fond de la cour, était vidé un jour pluvieux pour amender la jardin. Tout ce qui était combustible disparaissait dans la cuisinière et contribuait à l'économie du bois.

Photo d'une équipe d'ouvriers d'un atelier de la filature (avant 1900). Pendant les grandes vacances scolaires des enfants étaient embauchés à temps partiel pour aider au grand nettoyage périodique des machines, compte tenu de leurs petites tailles.

La nuit, la ville était éclairée parcimonieusement par des lampes à pétrole. Pour le "messti"de 1893 le premier éclairage public électrique fit son apparition, ce fut l'événement.

Erstein avait un caractère très rural, une multitude de maisons souvent imbriquées les unes dans les autres, abritaient hommes et animaux. Ces maisons, la plupart en poutres apparentes étaient couvertes de crépi. Cela remontait à Napoléon III qui, dans un souci de lutte contre l'incendie, subventionnait le crépissage.

Beaucoup de ces maisons ont disparu, des rues ont été élargies et les Allemands ont construit à leur place des bâtiments tels que :

- la sous-préfecture (en 1880)

- la poste (en 1881)

- les abattoirs (en 1886-91)

- le tribunal cantonal (en 1892-93)

La synagogue existait depuis 1882 et le temple protestant depuis 1883.

La mode n'était pas à la restauration. On démolissait et on construisait du neuf selon l'esprit du temps. Avec la nouvelle administration, certains bâtiments devenaient nécessaires, mais en dehors de l'église protestante, leur style prussien se distingue encore aujourd'hui dans le tissu urbain.