1. Les ouvriers
En 1853, la filature s'installa à la "Rebmatt", terrain qui appartenait aux Bulach, elle se développa et attirait entre-
En 1904, la filature employait 1.300 personnes. Cette industrie changea la vie de plus d’une famille ; si le travail en usine était dur, il apporta en contrepartie un revenu fixe, contrairement à d'autres professions.
Les filles des familles modestes trouvaient après leur scolarité, du travail sur place, même les garçonnets étaient employés les jeudis et pendant les vacances pour nettoyer sous les machines en marche. Leur petite taille leur permettait cette gymnastique non dépourvue de danger (mais le travail des enfants n'était pas encore réglementé).
Ces familles ouvrières faisaient preuve d'un grand courage. On cultivait un lopin de terre et on élevait quelques animaux pour améliorer son ordinaire.
Beaucoup aidaient un fermier après les heures d’usine, tel ce père de famille qui nettoyait tous les soirs l'étable d'un paysan, ceci pour le repas du soir, qui consistait en pommes de terre sautées avec un bol de lait caillé ou du fromage blanc. Les femmes et les enfants enfilaient du tabac ou cueillaient du houblon pendant la saison, tout en menant leur propre ménage sans confort.
Eté comme hiver, on faisait la cuisine sur la cuisinière chauffée au bois, l'eau était puisée au puits et charriée dans des seaux ; la lessive (y compris les couches des bébés) était lavée à la rivière et bouillie sur le feu. La grande lessive attendait le printemps et se faisait avant l'hiver, mais uniquement dans les ménages qui possédaient suffisamment de linge, pour se permettre d'attendre la belle saison. On s'éclairait au pétrole, à la chandelle et à la lampe à huile.
Tout était long et compliqué et chacun surveillait le feu à cause des incendies. On économisait chaque pfennig, et les femmes ravaudaient interminablement pour retarder l'achat d’un vêtement neuf.
2. Les artisans
Chez les petits artisans la vie n'était pas moins dure, les revenus étaient irréguliers, partout on élevait quelques volailles, un cochon ou une chèvre pour diminuer les dépenses de nourriture.
3. Les paysans
Dans les fermes, qu'elles soient grandes ou petites, le travail s'effectuait manuellement et demandait beaucoup de bras. Les gros paysans travaillaient avec des chevaux et employaient des valets.
En 1893, la plus grosse ferme abritait sept chevaux, cinq veaux, douze vaches, et six cochons. Un autre fermier possédait cinq chevaux, onze vaches, huit cochons et deux moutons. La plupart se contentaient d'une paire de chevaux et de deux à trois vaches.
Les petits paysans cultivaient souvent des terres de location, élevant une à deux vaches, un à deux cochons et se passaient très souvent d'un cheval. Dans bien des cas, les vaches n'appartenaient pas au fermier ; celui-
On cultivait des céréales, des pommes de terre, du houblon, du tabac, des plantes fourragères, du colza ; sur les terres plus pauvres, du lin, du chanvre et de l'épeautre. La betterave sucrière ne viendra qu'en 1894 avec la création de la sucrerie.
L'année 1893 était une année à problèmes pour l'agriculture.
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En fin d'année, le journal signale que l'année était assez bonne, sauf pour les éleveurs, à cause du manque de fourrage.
4. Les commercants
Les artisans (boulangers, bouchers, cordonniers etc...) tenaient leur magasin, de même l'épicier, la mercière, le marchand de tissu, et les bistrots fleurissaient à l'époque dans tous les quartiers.
La filature avait attiré une nombreuse main-
Il y avait tellement de restaurants (la plupart ont demandé leur licence dans les années 70-
5. Quelques notables et de nombreux fonctionnaires
complétaient notre population, leurs épouses ne travaillaient pas à l'extérieur. On disait alors "qu'un homme doit être capable de subvenir aux besoins de sa famille". Ces dames se devaient de tenir leur rang et appliquaient ce que l'on appelait "les 3 K (Kinder -
Le petit fonctionnaire au bas de l'échelle hiérarchique se contentait de moins. Tout ce monde se côtoyait, les uns ayant besoin des autres, mais formaient des clans, suivant leur rang social ou leur appartenance religieuse.
Jusqu'au milieu du siècle, Erstein était entièrement catholique. A cette époque arrivèrent les premiers Juifs (auparavant ils n'entraient en ville que pour commercer et devaient la quitter au son de la cloche du soir), puis vinrent les protestants attirés par la filature dont les industriels étaient protestants.
Ce n'était pas facile pour les uns et les autres de se faire accepter, mais les deux communautés minoritaires se développèrent avec le temps. Des trois protestants du début, nous arrivons à sept cent seize en 1910, l'apport des fonctionnaires allemands a grossi leurs rangs. Les six juifs de 1856 formèrent, en 1910, une communauté de cent trente neuf personnes.
En 1882, les israélites ont leur synagogue et en 1883 les protestants leur temple ainsi qu'une école. Dans chaque confession on veillait au grain ; les enfants restaient dans leur communauté, puisque les écoles étaient confessionnelles.
Les enseignants, très dévoués à leur église, contrôlaient la fréquentation des offices ; chez les uns comme chez les autres, les mariages mixtes étaient une chose terrible, mais cela se produisait quand même.
Les familles étaient nombreuses en ce temps là et la mortalité infantile importante. On s'en accommodait plus facilement que de nos jours ; chaque enfant était une bouche à nourrir et, sans allocations familiales, les parents de conditions modestes avaient du mal à élever leur nichée.
L'état sanitaire des enfants laissait souvent à désirer, et c'est la dure loi de la sélection naturelle qui décidait de la survie de ces petits. Le manque d'hygiène et l'ignorance favorisaient l'apparition de certaines maladies et la médecine n'y pouvait pas grand chose. Sans protection sociale, le médecin n'était que pour les plus riches.
A l’école, les enfants étaient bien embrigadés. Les classes très nombreuses réclamaient une discipline sévère. L'enseignement était sérieux ; on préparait les enfants à la vie active, ils devaient savoir lire, écrire, calculer. Les fillettes étaient initiées aux travaux manuels, on écrivait bien entendu en gothique.
En 1893, M. Joseph Adrián et des sœurs enseignantes s'occupaient des enfants catholiques. Mademoiselle Elise Groll enseignait à l'école protestante. Les enfants israélites fréquentaient avec les autres enfants l'école catholique et, plus tard, l'école protestante.
6. Les Associations et Sociétés locales
Dans ce monde du travail, il y avait cependant de la place pour des distractions. Le journal de 1893 invite à plusieurs manifestations sportives ou musicales. Il existait une société de gymnastique qui organisait des fêtes
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La société de musique "Harmonie” se produisait souvent dans les rues de la ville et organisait des concerts en salle.
Plusieurs chorales "Echo" -
Les apiculteurs se retrouvaient entre-
Il existait un "Kriegerverein” très actif, qui organisait des soirées théâtrales avec bal, des sorties aux champs de bataille de 1870 -
Le "Verein für Haus und Strassenbettel" (société de bienfai-
L'année était rythmée par les fêtes religieuses avec d'imposantes processions et des fêtes profanes qui finissaient généralement par un bal. Le messti était un grand événement ainsi que les foires.
7. Chronique des "Faits divers"
Les faits divers, diffusés de bouche à oreille ou par "le Kreisblatt" alimentaient les conversations.
Ce journal rapportait le récit de quelques larcins, d'accidents ; les nouvelles concernant les constructions en cours (qui faisaient d'ailleurs l'admiration de la population) ; quelques conseils concernant la santé, etc...
Nous en rapportons quelques-
28 avril : "Les pompiers d’Erstein sont remerciés par la direc-
29 avril : "Près du pont de l'Ill, un cheval s’emballe, et éjecte son cavalier qui est blessé. Le cheval s'est effrayé à la vue d'un vélocipède !"
13 mai : "Le serrurier K est arrêté. Il a blessé sa belle mère à la main et menacé son épouse. Il était en état d’ébriété."
24 août : "Le pêcheur F se fait voler tous les poissons qu'il voulait vendre à Obernai."
28 août : "L'accident le plus cocasse est arrivé à une vache. Une fermière s'était absentée en laissant la porte de sa cuisine grande ouverte. Elle y avait omis de refermer la trappe menant à la cave, qui se trouvait sous la cuisine. A son retour, elle fut accueillie par un bruit insolite ! Prise de frayeur, elle appela les voisins au secours.
Quelle ne fut sa découverte ! Une génisse avait réussi à se détacher à l'étable, trouva le chemin de la cuisine et disparut dans le trou noir. La pauvre bête fut tirée sans fracture de sa position inconfortable et la fermière convaincue qu'il n'y avait pas de fantômes dans sa maison.
27 septembre : "Dix officiers logent chez l’habitant."
14 octobre : "Un petit garçon de deux ans est renversé par le tramway près du pont de l'Ill."
22 novembre : "Deux ouvriers se blessent gravement en tombant de l'échafaudage lors de la construction de la brasserie Klotz."
27 décembre : "Fête de Noël pour les élèves catholiques en présence de l'inspecteur Herrgott, dans la salle du restaurant Offenstein."