FRANÇOIS BACH (1624 - 1680)

« Vogt » d'Erstein de 1656

FRANCOIS BACH BAILLI D'ERSTEIN CHRONIQUEUR D'ERSTEIN BIBLIOGRAPHIE
vers le portail du site un chapitre du site « Erstein67 » publié le 26.04.2016
FRANCOIS BACH BAILLI D'ERSTEIN CHRONIQUEUR D'ERSTEIN BIBLIOGRAPHIE
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V.   François Bach est aussi chroniqueur d’Erstein

Friedel écrit dans son ouvrage : « En plus de ces fonctions, Bach trouva le temps de mettre en ordre les archives de la commune et d’utiliser les documents pour rédiger la "Chronique d’Erstein". Cela le fit le premier écrivain de l’histoire du bourg. L’original, conservé à l’hôtel de ville d’Erstein, a le format Folio et est signé de la main de Bach. A côté des documents cités, l’auteur utilisa des ouvrages d’histoire imprimés comme : Wimpfeling, Catalogue épiscopal de Strasbourg ; Herzog, Chronique alsacienne ; Bucelinus et Martin Zeiler.

L’exposé sur le Langraviat d’Alsace n’est pas critique. Après la préface de l’auteur, suit une image en couleurs, Jules César présenté comme empereur, ensuite les documents de Lothaire, le faux d’Irmengarde, la Bulle Léon IV et les droits municipaux de 1303. Suit une courte information sur le monastère, sur la commune, les limites de la banlieue d’Erstein, sur la chasse et les bois, les diffé- rents corps de métier. En conclusion, une dédicace aux hommes du Haut Chapitre qui sont présentés nominativement ».

L’abbé Bernhard parle aussi de la chronique d’Erstein : « Le savant avoué d’Erstein, François Joseph Back (sic), nous a légué une chronique d’Erstein, qui nous a été très utile ; elle se trouve aujourd’hui dans la salle des archives à la mairie d’Erstein.

Cet historien fait précéder sa notice sur Erstein d’un résumé de l’histoire romaine, au sujet des Triboques qui habitèrent nos contrées ; contemporain de la guerre de Trente Ans, il aurait dû être plus long à nous conter les faits dont il a été témoin ». Vincent Husser précise : « C’est après avoir mené à terme le renouvelle- ment du ban, que François Bach rédige en 1666 une "chronique du bourg...

Quoiqu’il en soit, l’auteur ne cherche pas tant à faire œuvre d’historien que de juriste. En effet la chronique s'articule principa- lement autour d'une compilation de chartes et de textes destinés à légitimer les coutumes et les droits anciens. Le manuscrit de François Bach se rapproche donc bien plus du principe du papier terrier ».

Cette chronique est un manuscrit écrit en allemand et latin de 34 feuillets. Celle-ci commence par une adresse solennelle destinée au Magistrat d’Erstein :

« Denen Acht bahren Weÿssen
Ehrsamen und Bescheidenen
Herren Bürgermeister und Rath
Des Fleckhens Ehrstein
Meinen Sonders Günstigen
Lieben Herren und Freundten »

Mais François Bach ne s'est pas contenté de recopier des sources, mais il a fait des observations sur place, comme le démontre un article publié en 1992, relatif aux tombes royales : « François Bach, bailli d’Erstein de 1656 à 1680, rapporte que derrière le maître-autel situé dans le chœur de l'église abbatiale, se trouvait encore de son temps, un tombeau maçonné et voûté mais entièrement vide. Il suppose que les reliques accordées à Irmengarde y auraient été déposées ».

Était-ce le tombeau primitif d’Irmengarde ?

La chronique est illustrée par un dessin de Jules César, coiffé d’une couronne de laurier, revêtu d’une armure et d’un manteau rouge et brandissant une épée d’une main et un globe terrestre de l’autre. Cette représentation de Jules César est aussi le symbole de l’empereur du Saint Empire germanique dans une Alsace en pleine mutation au milieu du XVIIe siècle.

À la page 3, sous le titre « Beschreibung des Stiffts und Fleckens Erstein », c’est-à-dire « Description de la fondation religieuse et du bourg d’Erstein », commence l’histoire d’Erstein, faisant référence Jules César et à la période gallo-romaine, et se poursuit sous les premiers rois mérovingiens, les rois d’Austrasie, puis Charles Martel, les Carolingiens (Pépin le Bref, Charlemagne, Louis le Pieux et Lothaire).

Ce dernier fait don de la Villa Regis Herinstein à son épouse l’impératrice Innengarde, comme Morgengaabe (il était d’usage de faire cette donation après la nuit de noces). Cette donation est confinnée en 843 par une charte de l’empereur, dont le texte, reproduit dans la chronique, est probablement l’acte fondateur du couvent. Aux pages 6 et 7, sous le titre « Leo der Bischoff ein Knecht der Gnaden Knecht Gottes », le texte traduit en allemand la bulle du Pape Léon IV du 13 avril 853, qui confinne la règle du couvent, puis le don des reliques. Aux pages suivantes, sont décris des évènements et des donations du XIV au XVIIe siècles jusqu’en 1648.

À la page 24, on trouve le nom des membres du Grand Chapitre et leurs titres, tels doyen, écolâtre, camérier ; apparaît aussi le nom de Guillaume Egon de Furstenberg, futur évêque de Strasbourg.

Au verso de la page 25, un nouveau chapitre, titré « Die Fischerey der Stijft zue Erstein gehörig betrejfent », développe le contentieux relatif aux droits de pêche du couvent d'Erstein. Enfin, les dernières pages présentent les droits de chasse, les forêts, décrivent la délimitation du ban d’Erstein, et font référence aux laboureurs, aux journaliers et aux corps de métiers liés à l’artisanat.

VI.  Le remariage de François Bach avec Élisabeth Reich après la mort de Marie Meister

A.  Une fin de vie dans un contexte difficile...

Les années 1670 furent difficiles pour l’Alsace dans le contexte de la guerre de Hollande (1672-1679). En 1674-1675, le bourg d’Erstein eut beaucoup à souffrir du passage continuel des troupes.

En effet, le 8 janvier 1675, les Impériaux établissent un camp à Erstein, avant de quitter le bourg dès le 10 janvier, laissant la place aux pilleurs. Les Français, commandés par Turenne, construisent un pont sur le Rhin à la hauteur d’Erstein, en direction d’Otten- heim, lequel sera démonté le 22 juin après le passage des troupes. L’année 1676 est une des années les plus terribles pour Erstein : les armées françaises et impériales circulent sans arrêt. Les récoltes sont détruites intentionnellement et Louvois lève un impôt de guerre exorbitant.

Marie Meister meurt à Strasbourg le 3 août 1674, à l’âge 41 ans, peut-être dans sa demeure de la Steinstrasse, pour échapper aux dangers cités. Les enfants étaient bien jeunes : Anne Marguerite avait 19 ans, François Joseph 16 ans, Ernest 13 ans et Jean Théodore 11 ans.

B.  François se remarie en 1675 avec Élisabeth Reich d'Altdorf

Veuf depuis onze moins, notre bailli d’Erstein se remarie le 2 juillet 1675 avec Marie Élisabeth Reich « in campo ». D’ailleurs, leur première fille Marie Françoise est baptisée le 4 juin 1676 à La Wantzenau « in campo Wantzenau ». Manifestement, Erstein a dû être évacuée plusieurs fois, pendant un an.

Marie Élisabeth Reich d’Altdorf était la fille du baron Emmanuel de Reich, vice-chancelier de l’évêque de Strasbourg et syndic de la ville de Saverne, et d’Anne Barbara de Didenheim, elle-même fille du chancelier épiscopal Walter de Didenheim, qui reçut le château d’Altdorf, dans le d’Ettenheim situé outre-Rhin. Pour la deuxième fois, François Bach scelle une alliance dans le milieu privilégié des fonctionnaires épiscopaux.

Marie Élisabeth, baptisée à Saverne le 13 février 1654, avait donc 21 ans, alors que François Bach en avait déjà 51, ce qui était relativement âgé, malgré l’aisance et la prestance qui émanent de son portrait daté de 1675. Sa deuxième épouse avait l’âge de sa fille et de son fils aîné.

C.  La descendance du couple Bach-Reich

La première fille, Marie Françoise, dont on a déjà parlé précé- demment, a pour parrain Johannes Veringen, un fonctionnaire épiscopal et pour marraine, Maria Francisca Burst. Elle connaîtra peu son père, puisque celui-ci meurt alors qu’elle n’est âgée que de quatre ans. La seconde fille, Anne Marie Barbe meurt le 26 janvier 1678 ; elle est enterrée dans l’église Saint-Martin d’Erstein.

À cette époque, la situation d’Erstein est tout aussi difficile, comme le décrit l’ouvrage de Fridel : « Erstein s'est bien sorti de la guerre des généraux, a été pendant la guerre des Suédois occupé depuis le début et a tenu jusqu’à l’armistice. Il en a été plus mal pour la bourgade pendant la guerre de Turenne (1674-75) et pendant les années qui ont suivi. Là Erstein fut continuellement occupé par le va-et-vient des troupes, les troupes impériales ou les troupes françaises pillèrent de la même façon le bourg et ses environs, de sorte que la population est tombée de plus en plus dans le plus gros besoin.

Nous avons déjà vu comment Francisca Bach, la fille du bailli, est venu au monde au camp de Wanzenau en 1676. Rien ne pouvait mieux éclairer le cas que ce fait que les femmes devaient envisager, loin de leur foyer et de leur maison, d’accoucher dans un camp militaire.

D’autres habitants s'enfuyaient comme avant dans les bois près du Rhin. À nouveau d'autres ont cherché un refuge à Strasbourg ou dans les villes environnantes. Lorsque la paix fut signée en 1678, tout alla mieux, mais le bruit de la guerre dura jusqu'en 1681. Les livres de comptes de 1674 à 1679 contiennent presque que des frais de guerres ». François a donc connu la guerre jusqu'à la fin de sa vie, d’où sa devise : « Arte et marte ».

VII.  La mort de François Bach et le départ définitif de la famille Bach

D’après Friedel, le bailli Bach meurt en 1680 : il a 56 ans, mais son acte de sépulture n’a pas été retrouvé dans les registres d’Erstein. Où est-il donc décédé ? Nous l’ignorons jusqu’à présent. Le tuteur de ses enfants d’appelle Luc Weinemer.

A. Les agissements de son fils aîné François Joseph Bach, objets d’un scandale

Friedel donne de nombreux détails sur ce scandale, issu de l’enquête judiciaire : « La deuxième femme de Bach semble avoir été beaucoup plus jeune que lui et, après sa mort, ne semble nullement s’être satisfaite de son état de veuve. Les rapports de son beau-fils aîné avec elle avaient quelque chose de plus intime que nécessaire. Déjà une lettre de Dillingen, où le beau-fils faisait ses études, écrite à sa belle-mère à l'occasion de la naissance d’une fille, semble être plus chaleureuse.

Après la mort du père, nous voyons le fils concevoir un voyage en Angleterre. Le 7 février 1680, il écrit de Londres à sa belle-mère et rapporte des impressions sur Liège, Anvers, la Flandre, Douvres, Canterbury et Londres. Il organise ses voyages dans le but d’augmenter ses connaissances et d’être estimé plus tard dans le monde. À l’automne, il est de nouveau en Alsace et envoie de Strasbourg le 7 novembre une lettre à sa belle-mère en l’informant de sa "garnison allemande" à Strasbourg.

À partir de ce moment, il remplit les fonctions de bailli jusqu'en 1684, où sa belle-mère mit au monde un fils, dont le père, d’après la déclaration d'une servante, était Franz-Joseph. Le chapelain Johan Jacob Maurer, avec le consentement du curé, baptisa l’enfant à la maison en présence du père et lui donna le nom de Lorenz. Il fut plus tard conduit à Schaeffersheim. L'enquête judiciaire qui fut conduite alors sur le cas mit la culpabilité de François Bach (François Joseph) en lumière, mais il se soustraya à la responsabilité par la fuite et disparut. Ainsi finirent les Bach à Erstein.  

Du fait de la fuite de Franz-Joseph Bach, le bailliage était devenu libre. Après la mort du vieux François Bach, Franz Streng avait administré le bailliage de façon intérimaire jusqu’au retour du jeune Bach. En septembre 1684, il est remplacé par Rothfuchs ». Et Friedel de conclure : « Franz-Joseph Bach a été le dernier bailli allemand d'Erstein et Rothfuchs le premier français ». Qu'est devenue la jeune femme qui avait juste 30 ans ?

Jean Théodore a donc épousé à Gengenbach, le 24 janvier 1693, Anne Marie Bischler, fille de Jean Conrad Bischler, ancien adminis- trateur de la ville de Gengenbach, sans laisser de descendance. Sa première épouse décède le 25 mai 1703 ; il se remarie avec Maria Barbara Goppert d’Offenbourg, qui lui donne six enfants :

Anne Marie, baptisée le 22 novembre 1704 à Gengenbach, épouse le 30 août 1725 Franz Melchior Fischer, conseiller de l’évêque de Strasbourg.

Marie Anna Hélène, baptisée le 14 janvier 1707 à Gengenbach, décédée le 19 janvier 1742 en tant qu’épouse de Théodor Hug, conseiller de la ville de Haguenau.

Franz Ignatius, baptisé le 20 août 1713, se marie le 23 juin 1740 avec Maria Eva Riedenger d'Offenbourg : ils eurent plusieurs enfants. « Il est venu de Gengenbach, le 19 août 1746, devient bourgeois et fut très tôt Stettmeister de la ville impériale ». Selon l’archiviste d’Offenbourg, la famille Bach a dû être anoblie.

Jean Théodore (II), baptisé le 2 mars 1715, fut Stettmeister, sénateur et un des XII de la ville de Gengenbach. Il s’est marié à Villingen, le 26 août 1741, avec Katharina Juliana Kögl, qui lui donne neuf enfants, dont certains font carrière dans l’année, dont Jean Népomucène, Antoine et Joachim.

D'après Friedel, Jean Théodore est encore receveur de l’abbaye de Gengenbach en 1716 lorsqu’il s’est marié une troisième fois avec Anne de Mayerhoffen de Saverne. Une partie des cousins Bach ont été liés de près à l’administration de l’abbaye de Gengenbach ; ils ont également connu la guerre, celle de la Ligue d'Augsbourg durant laquelle les armées de Louis XIV ont dévasté ce secteur, incendié les villes et l'abbaye de Gengenbach, qui durent être reconstruites. Jean Théodore est ainsi à l’origine d’une branche cadette qui a fait souche à Gengenbach.

Après 1759, il n’y a plus de Bach dans les registres de paroissiaux de Gengenbach. Toutefois, le 16 thermidor an IX (août 1801 ), les cousins des trois branches Bach vendent leur résidence strasbour- geoise comprenant cour, grange, écuries et petit jardin et autres dépendances situés au 88 rue du faubourg de Pierre, pour la somme 6825 francs, à un pâtissier.

Sur les deux filles de François Bach et de leurs descendances, nous n’avons recueilli que peu de renseignements. La fille aînée, Anne Marguerite, se maria le 17 octobre 1680 avec Severin Colombus Jüngling, intendant de l'abbaye de Gengenbach, et mourut le 17 janvier 1702 à Gengenbach.

La fille issue du second mariage, Maria Francisca, épousa à 21 ans, en 1697, le capitaine épiscopal Johan Georg de Mayerhoffen de Saverne, famille qui resta au service de l’évêque jusqu'à la Révolution française. Friedel précise : « Elle aurait donné à son mari 24 enfants. En considération de sa nombreuse famille, l’évêque donna à Mayerhoffen la propriété Pfaffmatt, aujourd’hui appelée Niederbarr, que la famille acquit en propre pendant la révolution »

B. Le départ des autres fils de François Bach

Ernest trouve un poste de greffier à Soultz, dans le sud de l’Alsace, autre possession de l’évêché de Strasbourg. Mais nous ne retrouvons sa trace qu'en 1690, c'est-à-dire six ans plus tard.

Avant son mariage célébré 1693, Jean Théodore se rend à l’abbaye bénédictine de Gengenbach, située sur la rive droite du Rhin, dépendant également de l’évêché de Strasbourg, pour occuper le poste de Stiftmeister puis de Stiftschaffner (receveur de l'abbaye).

CONCLUSION

« François Bach est le bailli le plus important qu’ait possédé Erstein » d’après Friedel. C'est pour cette raison que la municipalité a donné son nom à une rue d’Erstein. Toute sa vie, il a été au service de l’évêché de Strasbourg et du Grand Chapitre.

Il se présente en homme de guerre, en raison du contexte historique propre à la deuxième moitié du XVIIe siècle, et en homme de lettres, auteur de la Chronique d’Erstein, qui est une compilation de textes anciens et de témoignages. La devise figurant à gauche de son portrait  « Arte et Marte » , c’est-à-dire « par l’Art et par Mars » symbolise cette double action.

Chronique d’Erstein rédigée par François Bach en 1666 : l’adresse au Magistrat du bourg

(Archives municipales d'Erstein)

Chronique d’Erstein rédigée par François Bach en 1666 : l’empereur Jules César

(Archives municipales d'Erstein)

Chronique d’Erstein rédigée par François Bach en 1666 : le début du texte

(Archives municipales d’Erstein)

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