LES ROSIÈRES D’ERSTEIN

Liane HOLFERT et Roger LAUSECKER

Publié par la S.H.Q.C. tome 8

Aujourd’hui, les “vieux” soldats, les invalides de guerre, ont droit à des emplois réservés. Comme tous les grands conflits, les campagnes napoléoniennes ont fait énormément de victimes et laissé d’innombrables invalides. Dans sa mansuétude, Napoléon Ier par reconnaissance envers ses soldats blessés, souvent incapables d”exercer un travail manuel, a trouvé un moyen original pour les caser (aux frais de la commune) en les faisant convoler en justes noces, avec une fille “sage et vertueuse”. Ces ménages feront l’objet d’une très importante dotation qui leur permettra un excellent départ dans la vie conjugale.

Les demoiselles qui acceptent d’épouser un invalide de guerre seront appelées Rosières (elles seront couronnées de roses le jour du mariage). Il y en eut, à notre connaissance, 5 à Erstein.

La cérémonie des mariages est fixée par décret impérial du 19 février 1807, article 6 et concerne toute l’étendue de l’empire.

“Sont concernées toutes les communes qui disposent de plus de 10 000 frs de revenus”.

Sont concernés dans notre département, les communes de Barr, Bischoffsheim, Boersch, Dambach, Erstein, Grendelbruch, Marckolsheim, Obernai, Sélestat, Molsheim.

Le conseiller d’Etat insiste sur le fait “qu’il verrait avec plaisir que, dans ces mariages, sa Majesté impériale et royale puisse acquérir la preuve de l’esprit de tolérance qui règne dans ce département en matière d’opinion religieuse par des choix déterminés par les seules convenances et sans exception de profession de culte.”

“Les conseils municipaux sont à convoquer sur le champ pour émettre un avis à ce sujet et désigneront les noms, prénoms, âge de la fille qu’ils jugent digne de cette récompense, les titres qu’elle peut avoir pour obtenir cette honorable distinction. Ils indiqueront la somme votée et donneront les détails sur le brave militaire auquel elle sera unie et les services rendus à sa Patrie et à son Prince.”

Les cérémonies devront avoir lieu le 6 décembre, jour anniversaire de la bataille d’Austerlitz et couronnement de l’empereur.

Le premier mariage eu lieu avec 1 mois de retard, le 6 janvier 1808.

Il est intéressant de connaître les détails du programme fixé par la municipalité pour la fête du couronnement de la 2e Rosière.

Programme des cérémonies du 3 décembre 1809

(Mariage Thérèse Schramm-François-Antoine Riehl)

1. “Elles seront annoncées la veille à 4 h du soir par le son des cloches et de 3 salves de 6 petits canons.

2. Le jour de la fête, à 1 h de relevé, la compagnie d’élite de la Garde nationale en uniforme, commandée par le chef de bataillon, ayant drapeau, tambour et musique, sera réunie devant la maison communale.

3. Au premier coup des vêpres, ladite compagnie se mettra en marche pour chercher la Rosière avec son futur époux et les escorter à la maison commune où tous les fonctionnaires publics du lieu et les militaires retirés seront réunis. L’entrée de la salle sera libre à toutes les demoiselles.

4. Après un petit discours tenu par le Maire, il couronnera la Rosière, la dotera et procédera comme officier de l’état civil, en présence de MM. les Adjoints et les deux premiers membres du Conseil Municipal comme témoins, à la célébration du mariage des futurs époux. Cette célébration sera annoncée par une décharge de canons.

5. Les nouveaux époux seront conduits en cortège par les fonctionnaires, militaires et élites aux vêpres de l’église paroissiale, après lesquelles la célébration religieuse de leur mariage aura lieu et sera annoncée par une seconde décharge de canons.

Sur quoi il sera chanté solennellement le « Te Deum » en action de grâce pour le couronnement de sa Majesté l’Empereur et des victoires des batailles d’Austerlitz et autres, et terminé par une 3e salve de canons.

6. Le cortège retournera avec les époux à la maison commune, d’où ils seront escortés à leur domicile par les élites, aux sons d’une musique guerrière.

Fait et arrêté par le Maire d’Erstein, le 1er décembre 1809.

Signé Gollard

Mariage haut en couleurs certes, mais aussi très lourdes charges pour le budget de la ville, si on compare l’importance des dotations au montant total des ressources communales (1 800 F pour les mariages en l’espace de 12 mois en dotations, plus les frais de cérémonie, pour la fête du 2e mariage de l’Empereur, d’où la date du 23 avril...)

Aussi, dans sa séance extraordinaire du 1er septembre 1809, la commune proteste vivement, prétend n’avoir que 9 900 francs de ressources, alors que les dépenses ordinaires s’élèvent annuellement à 12 000 francs, obligeant les habitants à des charges supplémentaires. Le Conseil demande à être exempté de cette charge.

Le Sous-Préfet de Sélestat, par lettre en date du 19 octobre 1809, n’accepte pas cette délibération et rappelle, qu’avec les revenus de la coupe de bois, les ressources dépassent les 10 000 francs, et oblige la commune à convoquer la fille vertueuse et prendre la décision d’inscrire au budget 1810, la somme de 300 francs.

Le 6 janvier 1808 (dotation 500 francs)

Marie Thérèse Wolff 21 ans, fille de Laurent, maître en chirurgie et de Marie Blumstein François,

Joseph Nickles, 29 ans, employé à la Mairie, fils de François Michel et de Claire Fischer, tailleurs.

François Joseph Nickles a travaillé comme employé de Mairie et finit par être secrétaire de mairie.

enfants:

Médard né le 18.2.1810 † le 29.9.1813

Joséphine née le 30.4.1812

Eugène né le 6.8.1813 † le 3.3.1831

Laurent né le 2.12.1814

Médard II  né le 17.4.1817

François Joseph Jérôme né le 30.10.1820

Ferdinand Ernest né le 12.1.1822 † 14.5.1841

LE MARIAGE DE NOS ROSIÈRES

Le 23 avril 1810 (dotation 600 francs)

Madeleine Kopff, 28 ans, fille de Théobald, pêcheur et de Madeleine Ostwald

Martin Suhner, 28 ans, fils de Joseph, journalier et d’Ursule Lescher

Conseil Municipal du 11 avril 1810 (extrait)

“Martin Suhner, cuirassier au 2e régiment, natif et retraite à Erstein, a fait les campagnes des années 14, 1806, 1807 à la Grande Armée et celle de 1809 à l’armée de l’Allemagne, à laquelle il fit une chute de cheval qui lui a causé une luxation à l’épaule droite et lui rend pénible le mouvement du bras... ”

Martin Suhner gagnait la vie comme journalier.

enfants : Madeleine née le 21.1.1811

                Françoise née le 13.3.1813 † 21.12.1892  journalière, célibataire.

                Joseph né le 26.6.1815

                Martin né le 24.3.1817 † 27.12.1820

                Thiebaud né le 3.4.1820 † 1822

                Madeleine II née le 1.8.1821 Marie-Anne née le 26.4.1824 † 30.1.1905 célibataire, sans profession.

La famille Suhner habitait 97, quartier bleu, plus tard au 167bis, quartier vert. (Au début du XIXe siècle la ville d’Erstein, comme quelques autres fut partagée en quatre quartiers bleu, blanc, rouge et vert pour faciliter la recherche de leur cantonne­ment aux soldats qui séjournaient dans la ville.)

Le 3 décembre 1809 (dotation 300 francs)

Thérèse Schramm, 30 ans, 7 mois et 10 jours, orpheline, fille de Jean Balthasar, serrurier et de Gertrude Schmitt

François, Antoine Riehl, 35 ans, 7 mois et 14 jours, militaire reti­ré, fils des défunts François Riehl, cultiva­teur et d'Elisabeth Conrad

Conseil Municipal du 24 octobre 1809 (extraits)

“Thérèse Schramm: Très peu fortunée, a des incli­nations pour le sieur Antoine Riehl. Considérant que la conduite sage, notoirement connue de la demoiselle Schramm a acquise le droit d’etre dési­gnée la Rosière et devra cette année jouir du béné­fice de la dotation en épousant le sieur Riehl, elle sera couverte de roses et dotée de 300 frs.”

“Antoine Riehl : militaire réformé sans pension pour cause d’infirmité, ayant servi au 46e régiment d’infanterie de ligne depuis le 3 brumaire an VII, jusqu’au 24 juillet dernier. A fait toutes les campa­gnes.”

François Antoine Riehl a travaillé comme cordon­nier et habitait avec sa famille au 25, quartier vert, il est décédé le 8.7.1838.

enfants : Xavier né le 6.8.1810 marié à Hilt Véronique Pélagie le 1er février 1834

               Marie-Thérèse née le 15.10.1814

               Thérèse-Sophie née le 20.12.1815  †18.6.1829

Le 23 avril 1810 (dotation 600 francs)

Ursule Mathis, 26 ans, fille de Joseph, journalier et Ursule Hellmann

Georges, Ignace Volck, 26 ans, fils d’Antoine, journalier et de Salomé Kaup

Conseil Municipal du 18 avril 1810 (extrait)

"Georges Ignace Volck: voltigeur au 13e Régiment de ligne, natif et retraité en cette commune, a fait les campagnes des années 14, 1806, 1807, 1808, 1809, blessé d’un coup de feu le 9 juillet 1809, près de Wagram à l’épaule gauche, ce qui le prive du mouvement de son bras...”

enfants: Ignace né le 11.1.1811 † 21.4.1812

               Georges Ignace né le 1.8.1812 † 16.8.1878

               Laurent né le 9.8.1821

La famille Volck habitait au 95, quartier bleu,

Georges Ignace Volck fils a exercé le métier de tis­serand, il s’est marié le 27 janvier 1845 avec Anne Marie Rohmer, leur fils Georges Ignace né le 3.4.1846 t le 23.9.1849, Laurent né le 3.9.1847 4 le  8.1.1848, Jean né le 3.11.1848 î le 28.4.1849, sont tous décédés en bas âge. Georges Ignace perd son épouse et se remarie avec Anne Marie Wolff. Le 4.6.1851 naît Georges Ignace II. Le père décède le 21 Novembre 1863 à l’âge de 80 ans dans la rue du Renard.

Le 2 décembre 1810

Marie-Anne Kayser, 24 ans, fille majeure de Beda Kayser, garde forestier et de la défunte Marie-Anne Hauss.

François, Joseph Andres, 24 ans, fils du défunt Antoine Andres (pêcheur) et d'Odile Fischer, vivante.

François Joseph Andres a travaillé comme pêcheur comme son père.

Enfants : Joseph né le 15.9.1819

                 Louis né le 22.8.1824

                 François Antoine né le 6.10.1827

                 Charles né le 11.1.1829

Jusqu’à présent l’Etat Civil n’a pas permis de retrouver la trace de tous les personnages cités dans cet article, mais certains Ersteinois reconnaîtrons peut-être une de leurs aïeules vertueuses parmi les rosières.