La photographie à Erstein

de ses débuts à nos jours ou l'histoire d'une famille

par E. MAYER

S.H.Q.C : annuaire 1988

On ne peut parler des origines de la photogra­phie sans évoquer Nicèphore Nièpce et J. Daguerre qui furent ses inventeurs.

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C'est à partir de 1822 que Nicèphore Nièpce mit au point son invention, et cette date peut être considérée comme celle de la découverte de la pho­tographie. Cette année là en effet, il parvint à fixer l'image d'une « Nature Morte » représentant une table dressée, après une pose de 14 heures. Les années suivantes virent l'amélioration rapide de son inven­tion « l'Héliographie » (reproduction de dessin ou d'écriture par la photographie). Cependant cette méthode resta très expérimentale et il faudra atten­dre la rencontre avec J. DAGUERRE, et les amé­liorations qu'il apportera au procédé de NIEPCE, pour que cette merveilleuse invention puisse être accessible et utilisable par un large public.

Nicèphore Nièpce mourut en 1833 et J. Da­guerre signa un nouveau contrat avec son fils, Isi­dore Nièpce en 1837, date à laquelle il parvint (grâce à l'héritage des travaux de Nièpce), à inscrire sur une plaque d'argent une image révélée aux vapeurs de mercure : le « DAGUERREOTYPE » était né.

Le monde entier héritait ce jour-là des fruits d'une patiente recherche, élaborée dans l'ombre, suivant les plus saines méthodes expérimentales, et que Daguerre eut la sagesse de ne divulguer qu'à l'heure où elle offrit des résultats irrécusables.

Je vous cite ces quelques lignes extraites du dis­cours du Duc de Gramont, tenu à Paris en 1935, lors du Congrès International de Photographie Scien­tifiques : « La Science nous offre ici un précieux témoignage de fidélité, en honorant le souvenir de ce que tant d'années révolues pouvaient si bien sous­traire à la reconnaissance des hommes ». L' amélio­ration rapide des techniques et l'accès de plus en plus large du public à la photographie furent l'oeu­vre des décennies suivantes.

En Alsace, la photographie se développe tout comme dans la capitale, vers les années 1850. Dans les grandes villes surtout : Strasbourg, Colmar, Mulhouse on voit s'installer des photographes qui exercent également le métier de peintre.

On ne retrouve ces derniers dans de plus peti­tes bourgades qu'aux alentours des années 1870. Il est évident que c'est encore l'époque héroïque de la photographie, où ceux qui exercent ce métier « d'avant garde » sont un peu considérés comme des apprentis sorciers. A la fois artiste et techniciens, il fallait une belle conviction pour choisir de gagner sa vie dans ce métier tout neuf, qui se cherchait encore. Ce fut surtout le passe temps favori de la bourgeoisie.

La photo, vers cette époque, se vulgarise mais devient néanmoins un luxe abordable, moins coû­teux que la peinture. Nous ne pouvons pas ouvrir nos vieux albums photos de cette période, sans nous sentir attendris.

Tout y est ingénu, audacieux, ravissant dans les intentions ou même les prétentions, à tel point que c'est bien le seul « prisme magique » qui teinte de sentimentalisme nos regards sur la bourgeoisie, petite ou grande. C'est donc en 1870 que Herrmann Otto Klein créé une affaire photographique à Lahr et exploite une succursale à Erstein.

Herrmann Otto Klein, né à Elberfeld (Rheinland) le 21 mai 1844, s'installe comme photogra­phe à Lahr en 1870 au n° 71 Kaiserstrasse, ou il exerce sa profession dans son atelier photographi­que. Le 29 octobre 1871, il épouse à Lahr, Louise Ott, originaire de Constance.

L'affaire étant prospère, Herrmann Otto Klein participe à différentes expositions de Photos où il est primé, notamment en 1877 à Karlsruhe, en 1882 à Guben, en 1833 à Görlitz, 1844 à Breslau, 1887 à Fribourg et en 1893 à Genève. Pour ses mérites il est nommé Photographe de la Cour (Hofphotograph) du grand Duc de Bade et reconnu par plu­sieurs familles princières de l'époque.

Ayant une clientèle partiellement alsacienne et surtout issue de la région d'Erstein, (qui par sa situa­tion géographique permit aux gens de cette région de se déplacer vers Lahr), il profite de l'occasion pour s'installer à Erstein.

Son atelier photographique se trouve à Erstein en face de l'ancienne brasserie Klotz (Schleifgasse), n° 44 rue de la pente. Les premiers temps l'atelier est ouvert au public les dimanches et jours de fêtes, ainsi qu'en semaine sur rendez-vous. En effet, aller se faire photographier, relevait d'un cérémonial complexe qui voulait qu'on se pare de ses plus beaux habits, qu'on soit brossé, peigné, rasé, mis en valeur, rien ne devait manquer sur la photo : le col­lier de la mère, la chaîne de montre du père, les jouets des enfants etc. Nous remarquons par ces rites, l'importance accordée à la photographie. Tous ces préparatifs minutieux ne pouvaient s'exécuter que lors des jours fériés ou les dimanches. Les spé­cialités étaient : les portraits d'enfants, les agran­dissements jusqu'à «grandeur nature», les photos de famille, les portraits « en buste » ou « en pieds » etc.

Herrmann Otto Klein, photographe, se fait seconder par des collaborateurs : pour Lahr c'est Emile Bliss, et pour Erstein, Rudolph Mayer. C'est exactement le 17 août 1902 que Rudolph Mayer se fait inscrire à la mairie d'Erstein comme « photogra­phe et successeur du Photographe de Cour H. O. Klein ».

Rudolph Mayer est né le 3 janvier 1882 à Göppingen dans le Wurtemberg, d'une famille bour­geoise. Son père Jean-Jacques Mayer qui partit en Amérique participa à la guerre de sécession et revint se marier en 1875 à Göppingen avec Barbara Herrlinger, fille d'un entrepreneur de construction. Il devint dirigeant dans une entreprise de tissage à Göppingen, enseigna l'anglais et mourut rentier en 1900.

Quant à Rudolph Mayer, il quitte sa ville natale âgé de 16 ans pour Stuttgart, après sa scolarité au collège de Göppingen. C'est là qu'il va à la recher­che d'une place comme apprenti photographe.

Ses débuts, Rudolph Mayer les fait chez un des plus grands photographes de Stuttgart, Hans Hildenbrandt, photographe de la Cour des Ducs de Wurtenberg. A cette époque on ne fait aucune prise de vue autrement qu'en redingote ou en habit !

Contrairement à ce qui se pratique de nos jours, l'usage, en ce temps, voulait que l'apprentissage soit payant.

Après un an à un an et demi, il va se parfaire chez deux autres photographes réputés de Stuttgart :  F. Brandseph et Albert Kurtz.

C'est exactement début août 1902, qu'il quitte Stuttgart pour Lahr en Forêt Noire, en tant que col­laborateur du photographe de la Cour du grand duc de Bade : Herrmann Otto Klein. Ce photo- graphe, âgé de 58 ans et n'ayant qu'une fille, Hermine, qui épouse un commerçant Charles Merkle de Lahr, songe à vendre ses deux affaires : Lahr et Erstein. C'est le 2 août 1906 qu'il vend son affaire de Lahr à Emile Bliss, son collaborateur depuis quel­ques années. L'atelier photographique d'Erstein, est vendu la même année à Rudolph Mayer qui le gérait déjà depuis quelques temps.

En 1912, Rudolph Mayer unit sa vie à Sophie Laufenburger, originaire d'une vieille famille terrienne de Gerstheim. Sophie Mayer seconde son mari dans l'affaire, notamment durant la guerre 1914/18 pendant laquelle son époux est mobilisé, elle le remplace et gère toute seule l'atelier de photo jusqu'à son retour. Les spéciali­tés sont : les photos de mariages, photos de grou­pes, agrandissements, vues d'intérieurs, photos d'enfants en noir et couleur (photos peintes) etc.

Il est intéressant de remarquer que sur une de ses cartes de publicité, Rudolph Mayer propose sa voiture personnelle qui est gratuitement mise à la disposition des mariés pour se faire photographier à l'atelier. Les temps ont bien changé depuis...

En 1922, il construit un nouvel atelier photo­graphique dans la rue de Benfeld à Erstein [voir Photos] ainsi qu'une maison d'habitation (1925). Il réalise lui-même les plans de la maison ainsi que sa constrution. Il s'adonne à la sculpture, lors de ses loisirs, la statue se trouvant devant la maison, rue de Ben­feld, est réalisée par lui. Il s'intéresse à la peinture, à la poésie, collectionne les papillons et surtout se passionne pour l'élevage de poissons exotiques. Il installe dans les caves de sa maison une multitude d'aquariums et se spécialise dans les espèces rares. Il s'intéresse à l'art sous toutes ses formes, aux anti­quités, tout en étant très attentif au progrès et à la modernité. Comme photo- graphe, il rayonne tout autour d'Erstein et vient entre autres à Benfeld. Les rendez-vous pour les prises de vues se prennent à l'épicerie de Mme Vve Mentzler. Sa clientèle aug­mentant sans cesse, il fait construire un atelier dans cette dernière ville en 1932, place Aristide Briand, où il se trouve encore de nos jours.

Nombreuses sont les photographies de person­nes, de familles, d'enfants, de maisons et de paysa­ges signées par lui. Les collectionneurs de cartes postales anciennes le connaissent bien. Son apport à l'histoire par ses vues d'une époque révolue, ses portraits en costumes traditionnels, ses clichés de voitures, des tramways de l'époque, est considérable.

Une de ses photographie la plus remarquable, est celle des « trois joueurs de cartes», qui fera l'ob­jet d'un prochain article.

En ce temps-là, Rudolph Mayer est le photo­graphe officiel de la famille du baron Hugo Zorn de Bulach, député au Reichstag, ministre de l'agri­culture d'Alsace-Lorraine, Conseiller intime de l'Empereur Guillaume II et secrétaire d'Etat.

Les personnalités qu'il photographie sont entre autres :

- l'Empereur Guillaume II lors de son passage à Osthouse en 1907 - La famille du Comte Joseph Wolff - Metternich zur Gracht - la Comtesse Anne Marie Rüdt von Collenberg - le Baron Nicolas (Claus) Zorn de Bulach le Baron Materne Zorn de Bulach et sa famille - la famille de Castex et bon nombre de familles de la région.

Rudolph Mayer est décédé en 1951 à Erstein. Sa succession est assurée par ses deux fils : Richard Mayer à Erstein et Edgar Mayer à Benfeld puis par un de ses petit-fils qui exploite à présent les deux affaires.

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