REGARDS SUR LA "GAZETTE D'ERSTEIN"

Les dernières nouvelles régionales en... 1876/1877

Auteur : Paul MARBACH

Publié par la S.H.Q.C

Tome 10 - année 1992

Une brochure rassemblant les exemplaires du "Ersteiner Bote" (Gazette d'Erstein), aussi intitulé "Ersteiner Blatt”, et ceci des mois d'octobre 1876 à décembre 1877, nous permet de revivre un peu, ce qui se passait chez nous en cette période. L'Alsace, à ce moment-là, était devenue allemande depuis 6 ans déjà !, après les malheureuses suites de la guerre de 1870.

Ce journal, édité à Strasbourg, paraissait deux fois par semaine, le mercredi et samedi. Il était imposé aux municipalités. Sa composition, comme on peut l'apercevoir sur la reproduction in extenso d'un exemplaire, est réalisée d'une partie officielle "Amtlicher Teil" rendant compte des textes de lois, ordonnances, nominations et autres déclarations administratives et du "Nicht amtlicher Teil” (partie non officielle) qui relatait les nouvelles du Reich, du Kaiser Wilhelm I, des événements survenus dans le monde (dont la guerre russo-turque aux Balkans qui se terminait en 1878), des comptes rendus des réunions du Landtag ou du Kreistag, etc, ainsi que des faits divers régionaux touchant l'industrie, la justice, l'agriculture, l'état-civil, la vie associative, etc.

Il va s'en dire que pour nous aujourd'hui, soit 115 ans ( en 1992) après, ces nouvelles sont fort intéressantes du point de vue historique.

    Elles sont sujettes aussi, parfois à l'esquisse d'un sourire sur les méthodes employées ou les remèdes proposés dans la "pub" dont les lecteurs, à moindre quantité certes que ceux de nos jours, n'ont pas été moins épargnés. On parle même, déjà, de problèmes d'eau et d'ozone !

Pour ne pas trop charger cette étude d'événements généraux, nous nous bornerons à relater ceux qui se rapportent au secteur de notre Société d'Histoire des Quatre Cantons. Il y aurait pourtant tellement de choses à raconter !

Dans le "Amtlicher Teil" nous relevons qu'en ce temps-là les maires (Bürgermeister) et adjoints (Beigeordneter) ont été désignés, non élus, par "Beschluss des H. Bezirkspràsident des Unter-Elsass", Président du Bas-Rhin à Strasbourg, et même parfois par l'empereur lui-même, (cf. documents ci-après).

Un important problème qui nous intéresse particulièrement, nous Alsaciens, est le service militaire, à la "sauce prussienne". L'inspection de classification (Musterung) s'appelait, soit Ersatz- und Klassifikationsgeschäft, pour les conscrits, soit Ober- Ersatzgeschäft ou encore Controllgeschäft, pour ceux qui avaient été libérés auparavant, ou sursitaires par suite d’études, etc.

Nous reproduisons ci-après copie de l'inspection qui eut lieu dans le canton d'Erstein (duquel dépendait également Obernai) et ceci du 16 au 27 avril 1877, avec horaires et jours à se présenter dans les différents chef-lieux de cantons. Le ton était informatif, mais mentionnait également les mesures punitives pour ceux qui ne se présentaient ou ne s'excusaient pas (amende pouvant aller jusqu'à 30 Mark ou 3 jours d'arrêt).

Malgré ces mesures dissuasives, ces inspections n'ont pas toujours fait le "plein". Ainsi, pour le "Controllgeschäft" du 18.10.1876 est publiée la liste des jeunes gens qui ne se sont pas présentés : numéro 93 du 13.12.1876 :

Il s'agit des recrues :

1. Hert Jules Antoine né le 30.7.1855 à Erstein

2. Burger Jean né le 30.12.1856 à Lingolsheim

3. Weygand Joseph né le 3.9.1854 à Rhinau

4. Stahl Jean-Philippe né le 1.1.1856 à Obernai

5. Schwebel Ambroise né le 26.10.1855 à Duttlenheim

6. Furst Joseph né le 27.1.1856 à Friesenheim

7. Meyer Georges né le 12.4.1856 à Nordhouse

8. Traenly Martin né le 14.7.1855 à Sand

9. Klein Antoine né le 26.12.1855 à Châtenois.

Suivait la mention que, s’ils ne se présentaient pas jusqu'au 3 janvier 1877, ils seront supposés être déserteurs et poursuivis comme tels. Se sont-ils présentés ou non ?

La fin de cette histoire n'est pas mentionnée, mais on trouve fréquemment des condamnations du tribunal  (Zuchtpolizeigericht) relatives à des désertions, comme pour exemple celle parue dans le n° 76 du 14.10.1876.

Traduction :

"115 jeunes hommes de l'arrondissement d'Erstein, passibles du service militaire, mais qui ne se sont pas présentés, ont été condamnés à 600 Mark d'amende (une somme importante pour cette époque) ou éven- tuellement à 2 mois d'emprisonnement, ainsi que la confiscation de leur fortune jusqu'à concurrence de 750 Mark."

Dans le n° 86 du 18.1 1.1876, nous apprenons que sur les 96 recrutés du Bas-Rhin n'ayant donné suite à leur incorporation, 53 ont été condamnés à 600 Mark d'amende, 31 ont été acquittés et 12 momentanément ajournés.

 Les deux insertions que nous reproduisons ci-après, concernent l’avis de recherche (Steckbrief) de :

"Soldat de 2e classe (Musketier) Edouard Balzinger, de Eschau, qui a quitté sans permission son unité à Mayence (Mainz) le 14.5.1877 et n'y est plus reparu depuis. Il est à arrêter et à remettre à l'autorité militaire. Suit le signalement de sa personne, et même celui de ses vêtements."

                                                                   Mainz, le 20 mai 1877

                                                                                              (N° 41 du 26 mai 1877)

"Sous-officier au 9e régiment royal bavarois, François Adolphe Beeg, né le 6.8.1856 à Illkirch, peintre de profession, a déserté de sa garnison à Wurtzburg et a disparu depuis. Il est à arrêter et à remettre à l'autorité militaire. Suis le signalement."

Pour ce qui concerne l’armée, relevons encore l'achat de chevaux destinés à la cavalerie, à l'artillerie ou autres utilisations.

Achat de "remonte" (Remontegeschaft) pour 1877 concernant des chevaux de 3 ans, exceptionnellement 4 ou 5 ans, à Benfeld.

Les chevaux achetés par la commission militaire seront payés comptant, ils ne doivent présenter aucun vice ou mal-formation.

Si d'éventuels défauts sont constatés après l'achat, les chevaux seront retournés aux vendeurs, et le contrat d'achat sera annulé avec déduction des frais.

Quand un détachement de l'armée partait en manœuvre, cf. l'article paru au N° 74 du 19.9.1877 ci- joint, la population des localités traversées devait subvenir à leurs besoins alimentaires, elle était dédommagée comme suit :

Soldat : par jour en "pension complète" : 0,97  1/2 Mark

Sous-officier :                          "                      1,12  1/2 Mark

Autres gradés :                        "                      1,42  1/2 Mark

Les élections au Reichstag du 10 janvier 1877 ont été favorables au maire de Benfeld, le docteur Rack, candidat à l'arrondissement d'Erstein, dont nous publions les résultats ci-après :

Pour la Ville de Benfeld nous trouvons ceux des mois de septembre 1876 à janvier 1877, ils sont totalement supprimés pour tous les autres mois qui suivaient.

Mais plus curieux encore pour Erstein. Alors que cette gazette s'appelle "Ersteiner Bote", aucun extrait d'état-civil de cette localité n'y figure pour toute la période d'octobre 1876 à décembre 1877 ! C'est le même cas pour Geispolsheim. Par contre les extraits d'état civil d'Obernai remplacent ceux de Benfeld à partir de février 1877 !

Sous cette rubrique, septembre 1876 de Benfeld, certains de nos membres pourront y trouver leur nom. Nous pensons à M. Pierre Brolly qui y trouvera que sa tante Anne-Marie, fille de son grand-père Georges Brolly, brossier, est née le 2 septembre 1876. (Cf. le numéro 77 du 18.10.1876 publié in extenso en fin de cette contribution).

Le dernier chapitre de ce feuilleton intéressera les recenseurs de bornes historiques. Il s'agit d'un article paru dans cette gazette (N° 67 du 25 août 1877).

En effet, les commissions française et allemande ont fixé à Metz, le 26.4.1877, les frontières entre les deux pays suivant le traité de paix du 10 mai 1871 et notamment pour certaines localités-frontières. Une nouvelle carte de 1/80.000 a été établie à Berlin.

La frontière avec l'Allemagne comprend, en ligne droite 397 km (avec les légères courbes 500 km). Les bornes principales seront numérotées de 1 à 4 056, soit 1 996 bornes normales et 60 gravées d'une croix. Le nombre des bornes doubles sera de 273, celui des bornes intermédiaires 1 395, avec chaque fois une borne avec la croix.

Suivent les noms des officiers des commissions :

Pour l'Allemagne : lieutenant-général von Strantz, le commandant Rhein, Chef du 5e Rég. d'infanterie Badois N° 113, et le conseiller impérial A. von Bruce.

Pour la France : Le général de division Doutrelaine, le colonel du génie Laussedat et le chef de bataillon du génie Bouvier.

Nous pouvons signaler que le recensement de ces bornes est largement entamé grâce à MM. Eugène Kurtz, René Klementz et de moi-même, membres de la Commission Inventaire et Sauvegarde.

Ces bornes sont implantées deux par deux, l'une gravée du "F" pour la France, et l'autre du "D" (Deutschland).

Après la victoire de 1918 certains de ces "D" ont été enlevés au ciseau (martelés), comme ont été buchés beaucoup de blasons sur des bornes seigneuriales pendant la Révolution Française !

Amtlicher Teil Amtlicher Teil condamnations du tribunal

Il y avait pire !

Dans le domaine civil nous relevons dans le N° 73 du 4.10.1876 la liste des personnes habilitées à la vente des timbres-poste et autres timbres fiscaux. Y figurent Erstein, Benfeld, Geispolsheim, Illkirch, Obernai, tous des chefs-lieu de canton.

Il s'avère que toutes ces localités n'avaient pas encore leur bureau de poste ! Notons que celui de Benfeld ne fut construit qu'en 1903.

Le N° 33 du 28.4.1877 informe les lecteurs que le siège du bureau d'enregistrement-perception du canton de Geispolsheim est transféré, à partir du 17.4.1877, de Fegersheim à Illkirch.

CANTONS

Dr RACK

M. LINDER

Canton de Benfeld : Voix

2189

584

Canton d'Erstein

1780

478

Canton de Geispolsheim

2464

1023

Canton d'Obernai

1133

1231

Arrondissement d'Erstein

7566

3316

Curieuse constatation pour les extraits d'état-civil     (N° 4 du 13.1.1877)

Savez-vous quand a été construit :

le tribunal à Illkirch ?  Lisez l'appel d'offre paru dans cette gazette N° 88 du 25.11.1876 (Soumission pour 10.225 Mark à remettre pour le 14.12.1876 à la mairie d'Illkirch).

l'abattoir et la maison du gardien à Benfeld ? Voyez l'annonce parue dans le N° 77 du 18.10.1876, soumission avec prix est à remettre à la mairie de Benfeld pour le 23.10.1876. (Cet abattoir, construit au croisement du faubourg du Rhin et de la rue Rohan, est aujourd'hui désaffecté et sert de dépôt à la commune ; la maison du gardien est toujours habitée).

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