La blanchisserie de lin

« S’BLEICHER HÜSS »  

Mémoire d'un métier disparu

Liane HOLFERT, Marguerite MILTENBERGER, Roger LAUSECKER

De nombreux documents ont été rassemblés par Marinette WINNIGER

Publié en 1996 dans l’annuaire S.H.Q.C.

Anciennement sise 3, rue du Général Offenstein à Erstein

Victime des temps modernes, dans l'indifférence quasi générale, une vieille maison a été démolie.

Située longtemps hors de la ville, au bord de la rivière dans un cadre de verdure, la voilà condamnée à disparaître ; sa place étant rognée par un lotisse­ment, dans lequel elle aurait un air anachronique.

Cette maison a son histoire, on l'appelle « S'BLEICHERS HUSS » (la maison des blanchisseurs), car ses habitants blanchissaient les toiles de lin sur les prés alentours, tout en exerçant le métier de pêcheur et en menant un train de culture.

Un texte, conservé par la famille, relate dans un allemand pit- toresque, les origines de la maison.

Texte original

Anno Domini, 1839 ward Dienstag, den 27. Heumonai, als unser Grossvater Franz Antoni Andrès,genannt Bleicher Toni, Sohn des ehrsamen Franz Anton Andres, Fischer, un der ehr- und tugendsamen Maria Anna Kopf, unsere Grossmutter, die ehr und tugendsame Jungfrau Maria Clara Bernardine Walter, genannt Walter Glàrel, Tochter des weiland Burgermeisters hiesigen Fleckens, Franz Joseph Walter, officer retiré et chevalier de la légion d'hon­neur de l'ordre royal, aus der Pfarrkirche als sein Eheweib fiihrte.

Oben im Birnbaum der Bleich jubilierte und musizierte es. Der Bareckel Shakob Hess auf seinem Klarinett, allen Vögeln um die Wette, die lustigsten Weisen ertönen.

Aus der Kirche gings ins Heimathaus der Braut, welches in der Kràmergasse.

Dann gings hinaus aufs Rott wo die Brader Blei­cher, der Toni, der Sepp, und der Aloys vor einigen Jahren, an Stelle der alten Fischerhiitte, welche 1699 ein gewisser Joseph König dort errichtete, ein Stattliches Bauernhaus erstellt hatten. Das Holz hatten sie meistens selber aus dem Rhein geholt. Eichbaume, welche vielleicht schon Jahr tausende in sei­nen grunen Fluten, in seinen Ufer geschlummert, und von den Hochwassern wieder herausgespiihlt wurden.

Es war keine Kleinigkeit dièse Riesenblöcke herauszuholen und zu bearbeiten welche durch den jahrhunderîe langen Abschluss von der Luft gehàrtet waren. Aber die jungen Leute waren riistig und hat­ten Vortel. Besonders der Toni hatte, bei seiner sie-benjàhrigen Dienstzeit in der Artillerie und Génies, manche Kenntnisse in der Baukunst erworben, welche er jetzt hier verwerten konnte. Das Bauen wurde ihm uberhaupt eine Leidenschaft.

Die Andres sind ein uraltes Burgergeschlecht hier in Erstein, vielleicht das Alteste uberhaupt, sicher aber das alteste der heut noch existierenden. Von Beruf waren sie Fischer. Bei den àltesten Biirgerauf-nahmen im alten Fleckenbuch von 1533 finden wir schon den Namen Andres.

Auch finden wir darin manchen Burgermeister und Ratherrn aus diesem Geschlechte. Ihr Beruf war von uralter Zeit her Fischer, und war jedenfails Erstein oder wie es im alten Flecken buch heisst, Erstheim von Anfang her, nur eine Fischernieder- lassung. Wie ja auch der Jàger und Fischer beruf die àltesten sind, und die Ackersleute erst kamen, als durch die Vermehrung den Menschen der Fluss und der Wald als Ernàhrer nicht mehr genügten.

Traduction en français

Anno Domini 1839, le mardi 27 du mois des fenai­sons (juin) notre grand-père, François Antoine Andres, dit Bleicher Toni, fils de l'honorable Fran­çois Antoine Andres, pêcheur, et de l'honorable et vertueuse Maria Anna Kopf notre grand'mère, quitta la vertueuse vierge, Marie-Claire, Ber­nardine Walter, nommée Walter Clàrel, fille de l'ancien maire de ce lieu, François Joseph Walter, officier retraité et chevalier de la légion d'honneur de l'ordre royal.

Du haut du poirier à la « Bleich » retentit la musique. Le « Ba- reckel Schakob » rivalise avec les oiseaux en faisant entendre ses airs les plus gais. 

En sortant de l'église, on alla d'abord dans la mai­son de la mariée, située rue Mercière. De là, on alla au « Rott » où les frères Bleicher, le Toni, Joseph et Aloys avaient érigé une belle maison, à l'empla- ce­ment d'une vieille cabane de pêcheur, construite en 1699 par un certain Joseph König.

Ils avaient tiré la plus grosse partie du bois du Rhin : des chênes qui dormaient depuis longtemps dans les eaux vertes du fleuve, ramenés au bord des rives et dégagés après les hautes eaux.

Ce n 'était pas une mince affaire que de retirer ces énormes troncs et de travailler le bois durci par les ans ; mais nos jeunes gens étaient forts et avaient du savoir-faire ; surtout Toni qui avait servi pendant sept ans dans l'artillerie et le Génie et qui avait acquis des connaissances dans l'art de construire, ce qui lui profita à présent. La construction était devenue sa passion.

Les Andres sont une très vieille famille de bour­geois d'Erstein, certainement l'une des plus anciennes qui existe encore. Leur métier était pêcheur.

Dans les listes de bourgeois du "Fleckenbuch" de 1533 on trouve déjà le nom Andres. Certains d'entre-eux étaient maire ou conseillers municipaux. Leur métier fut de tout temps pêcheurs. Erstein ou Ers­theim, comme il est dit dans le « Fleckenbuch » était une colonie de pêcheurs. Chasseurs et pêcheurs étaient les plus anciens métiers représentés, suivirent les agriculteurs, lorsque, pour des raisons démogra­phiques, l'eau et la forêt ne suffirent plus à nourrir tout le monde.

Dans notre région, on appelle couramment lin, les tissus fabri- qués, la plupart du temps, avec les fibres du chanvre. La culture du lin se pratiquait également chez nous, sa fibre étant plus fine que celle du chanvre. La transformation des deux plantes est sem­blable et pour le blanchisseur qui n'intervient qu'à la fin du processus, seul le poids des toiles diffère.

La culture de ces deux plantes industrielles est très vieille. Elles fournissaient au peuple, avec la laine des moutons, tous les textiles dont on avait besoin ; ceci jusqu'à la moitié du XIXe siècle, époque à laquelle l'importation des fibres de coton et du sisal remplacèrent peu à peu le chanvre, surtout dans les villes.

Jusqu'au début du XXe siècle, on trouvait dans la plupart des localités, des blanchisseurs et des tisse­rands, car la culture du chanvre, très répandue des deux côtés du Rhin, apportait à nos paysans des reve­nus non négligeables. L'obtention de la fibre textile occupait une nombreuse main d'œuvre familiale, mais cette filasse se vendait aisément.

Une grande partie était transformée en cordages pour la marine et les mines, une autre voyageait vers la Hollande pour faire la fameuse « toile de Hollande » qui servait aux voilures des bateaux, le reste était filé et tissé pour les besoins des ménages.

Ces belles toiles, solides, au beau tombant, qui garnissaient les bahuts et armoires de nos grand'mères sous forme de torchons, che­mises, linge de table et literie, transmises de généra­tion en génération, sont de véritables trésors fami­liaux et font encore la fierté des ménagères qui savent les apprécier.

Dans la famille Andres, plusieurs générations étaient blanchis- seurs. Dans les prés, non loin de la rivière, ils tendaient les toiles grises qui venaient du tisserand, à 20-30 cm du sol, et les arrosaient à plu­sieurs reprises jusqu'à ce qu'elles s'éclaircissent sous l'action du soleil.

Ce travail ne se faisait qu'à la belle saison. Vers 1850, l'arrivée de la filature posait pro­blème aux blanchisseurs : certains jours, les vents rabattaient la suie, crachée par la cheminée de l'usine et salissait les toiles.

Jusque vers 1875, la culture du chanvre était très rentable et faisait vivre les métiers annexes. On ven­dait les 50 kg de filasse 40 R.M., par la suite le tabac se payait mieux et remplaça peu à peu le chanvre.

L'origine de cette chute se trouve dans la dispari­tion de la marine à voile, de l'invention des câbles métalliques et de l'impor- tation du coton et du sisal venant d'outremer. Le chanvre se maintient cepen­dant jusqu'à la fin de la guerre de 14-18 pour dispa­raître complètement à l'heure actuelle.

Les tisserands, blanchisseurs et cordiers ressen­taient durement cette baisse d'activité et se virent for­cés à s'adapter aux temps nouveaux.

La maison des blanchisseurs est tombée, il reste dans notre langage des mots que seuls les plus anciens comprennent, tel que « d'Bleich » nom lié aux Andrés, « d'Hanfrötz » (1) lieu où l'on rouissait le chanvre et le lin.

Les toiles de lin, fabriquées aujourd'hui, sont très chères, même si l'obtention de la fibre se fait chimi­quement et mécaniquement, mais nos toiles anciennes, de plus en plus rares, son intimement liées au travail manuel de tout un peuple laborieux, dis­paru à jamais, mais qui a transmis à ses descendants le fruit du travail bien fait.

(1) Hanfrötz : mot qui contient le verbe "rötzen" du vieil allemand, qui veut dire altérer, pourrir. Dans beaucoup de localités Hanfrötz s'est transformé en Hanefrees.

Dans les textes les plus anciens on parle de lin, de laine et de soie, le mot "Hanf ' (chanvre) se trouve dès 1319 dans une liste de plantes destinées à la dîme, due à un seigneur du Hanauerland (côté badois). Le lin est toujours cultivé dans le Nord de la France, les Flandres, la Belgique, les pays nordiques, la Russie, etc., car il supporte bien les climats rudes.

La culture du chanvre par contre est strictement interdite, car il s'agit bel et bien du chanvre indien qui fournit la résine de cannabis, donc de la drogue.

Les anciens connaissaient le pouvoir euphorisant du chanvre et on déconseillait à quiconque de s'endormir à proximité d'un champ en fleurs. Cette plante, si utile pendant des siècles, est considérée maintenant comme maudite, quelle destinée !

Le chanvre était cultivé par de nombreuses per­sonnes y compris les curés et les instituteurs) car il se payait fort bien, et faisait vivre de nombreux métiers annexes : les voituriers pour le transport vers Strasbourg, les marchands qui sillonnaient les cam­pagnes pour l'achat auprès des producteurs, les négo­ciants, les fonctionnaires des douanes, les bateliers, les cordiers, les tisserands, les blanchisseurs et les teinturiers.

Un stock de chanvre représentait pour les familles un capital facile à conserver, toujours prêt à être vendu en cas de besoin.

LE LIN ET LE CHANVRE

1. Semailles

Les graines récoltées sur des pieds robustes de l'année précédente étaient semées à la volée dans un sol bien fumé. Après la levée, on éclaircissait si nécessaire.

2. Récolte

Vers la mi-août, le chanvre était mûr, il avait atteint une hauteur de 2 à 3 m. On récoltait lorsque le pollen commençait à voler.

Les femmes devançaient les hommes pour arra­cher les tiges les plus faibles avec leur racine, elles donneront les fibres à filer.

Les hommes suivaient, la main protégée par une moufle de cuir. Ils arrachaient les grosses tiges avec les racines. Le tout était étalé par terre.

Suivaient les lieurs qui confectionnaient des bottes liées avec des liens de paille.

3. Rouissage

Du champ, on transportait les bottes au rouissoir (Hanfrötz) (1). Le rouissoir était un tronçon de cours d'eau, à débit faible, ou un étang artificiel de 20 à 30 ares, profond de 1 m 30, alimenté par un ruisseau ou une rivière. Un système de vannes permettait le rem­plissage et la vidange après le rouissage.

Chaque famille avait sa partie, délimitée par des pierres portant ses initiales.

Les rouisseurs entraient dans l'eau jusqu'aux hanches, disposaient les bottes horizontalement et perpendiculairement à la rive et les reliaient entre-elles.

Le tout était recouvert de planches, alourdies par des pierres. Le but de l'opération était de provoquer une fermentation à l'abri de l'air, qui permettait de détacher la partie ligneuse qui se trouvait à l'exté­rieur, de la fibre intérieure. Le rouissage durait de 4 à 6 jours, suivant la température, il dégageait une odeur nauséabonde et asphyxiait les poissons, qui man­quaient d'oxygène.

Les bottes étaient retirées à la fin du rouissage, tra­vail pénible et peu ragoûtant, qui exigeait des bras solides.

4. Séchage

Retour au champ où les bottes ouvertes étaient éta­lées pour le séchage. Par beau temps tout se passait bien, l'humidité, par contre, noircissait le chanvre.

Un autre système de séchage consistait à allumer du feu dans des fosses rectangulaires, couvertes d'un clayage en bois vert, sur lequel on étalait le chanvre. Après le travail des champs, suivait le travail à domicile. Ici intervenait la différence entre les grosses tiges et les fines.

a) Les grosses tiges donnent des grosses fibres (Grobhanf), elles sont débarrassées manuellement de leur écorce. Les fibres recueillies sont torsadées et rassemblées en ballots, prêtes à être vendues pour la corderie ou les très grosses toiles.

b) Les tiges fines exigeaient davantage de manu­tention, elles sont utilisées pour la fibre à filer.

De la graine au fil

5. Le teillage

Cette opération avait comme but, de briser l'écorce sans rompre les fibres. On utilisait une broyeuse de chanvre ou macque {Henfbrech ou Hanfknitsch).

6. Peignage

Les fibres étaient tirées à travers un peigne métal­lique, fixé sur une grosse planche. Les déchets appe­lées étoupe, servaient aux calfats. Le peigne s'appe­lait « Hechel ».

7. Foulage

Le foulage se faisait au moulin à foulon. Les fibres étaient maltraitées sous le poids du pilon qui tombait de tout son poids sur elles, et séparaient encore les fibres les unes des autres.

8. Peignage fin

Un dernier passage à travers un peigne fin, donnait enfin la filasse, prête à être filée au rouet.

9. Filage

Il s'agit de donner de la torsion aux fibres pour obtenir un fil. Pendant des siècles, on filait à la que­nouille, plus tard au rouet. Plus un fil était fin, plus la fileuse était habile. Sur le rouet, le fil obtenu se trouvait sur une petite bobine.

10. Dévidoir

Le fil passait des petites bobines sur le dévidoir, pour former des écheveaux, que l'on rassemblait par trois.

11. Lavage

Les écheveaux, gris et rêches, étaient empilés dans un baquet de bois, recouverts d'une toile, sur laquelle on saupoudrait du sel et des cendres de bois, le tout était arrosé plusieurs fois d'eau très chaude. La cendre dégageait de la potasse qui nettoie et le fil s'éclaircissait tout en devenant plus doux au toucher.

12. Séchage

Après rinçage, les écheveaux étaient suspendus pour le séchage, on y accrochait des pierres pour bien les tendre.

Ces écheveaux, prêts à partir chez le teinturier, avaient terminé toutes les étapes du travail à domi­cile.

Pour le tissage des toiles écrues ou blanches, il fal­lait confectionner de grosses bobines sur la bobi­neuse. Ces bobines partaient chez le tisserand.

De la graine au fil, du fil au tissu, une main-d'œuvre nombreuse était nécessaire. Les mois avaient passé avant que la toile n'arrive chez le blan­chisseur ou l'imprimeur sur tissu. Après les rudes travaux des champs, on se rassemblait à la veillée, pour filer ou bobiner en famille ou entre voisins. Ces soi­rées étaient fort sympathiques, à en croire la littéra­ture.

Le ronronnement des rouets accompagnait une chanson, on se racontait les derniers potins du vil­lage. Tout au long de l'année, ces gestes se répétaient et se transmettaient en hiver dans la « gross Stub », l'été devant la maison. Chacun enrichissait douce­ment son patrimoine.

a. Les cordiers

Erstein avait des cordiers, puisque la rue du Gal Leclerc porte encore le nom de « Seilergass ». Ces gens avaient besoin d'ateliers spacieux pour la fabri­cation des ficelles et cordes en tous genres. Ils ven­daient leurs produits, soit à domicile, soit sur les mar­chés, ou les expédiaient chez le client.

b. Les tisserands

Dans les registres de la population d'Erstein, nous trouvons des tisserands. C'était un métier mal payé, car il fallait beaucoup de temps pour réaliser un mètre de toile, chaque millimètre correspondant au passage de la navette. Dans les familles de tisserands, le bruit cadencé du métier à tisser, ne s'arrêtait que rarement, car le père se faisait relayer par sa femme ou ses grands enfants, pour faire avancer l'ouvrage. Dans certains villages, il y avait un à deux tisserands qui tissaient la toile unie avec les bobines de filé que les gens lui apportaient.

Le tissu écossais était confectionné avec du fil teint, il servait aux taies d'oreillers, d'édredons, de rideaux, de nappes. La couleur des écossais appelés « Koelsch » était bleu/blanc - rouge/blanc - rouge/bleu - bleu/blanc/rouge, bleu/ beige ; les dessins étaient très variés.

Toile de lin imprimée en bleu de réserve. (Pfaffenhoffen, première moitié du XIXe siècle).

Le « Koelsch » était la toile la plus chère, car il fal­lait teindre les écheveaux, puis préparer soigneusement les fils de chaine et de trame du métier ; en cours de travail, le tisserand comptait le passage de la navette, avant de changer de couleur.

Nos tisserands confectionnaient également les beaux torchons et nappages à liteaux rouges, et les plus experts réalisaient des tissages à motifs réver­sibles, appelés « Beiderand ».

Dans beaucoup de fermes on trouvait un métier à tisser pour les besoins familiaux ou du travail à façon, surtout dans le Ried, le Bruch de l'Andlau, la haute vallée de la Bruche et le pays de Hanau, ainsi que le Val de Ville.

c. Les teinturiers

Charlemagne encourageait dans ses capitulaires la culture des plantes textiles, mais également des plantes teintoriales, qui livraient les colorants néces­saires à la teinture des tissus. On utilisait longtemps le pastel (Waid), plante qui donnait la couleur bleue.

On la cultivait de façon intense entre Aix la Chapelle et Cologne. Cette ville a donné son nom à ce bleu pastel (bleu de Cologne) en alsacien « Koelschbloej » (Kölnisch Blau). Cette teinte fut concur- rencée plus tard par le bleu indigo, également végétal, mais ori­ginaire des Indes, suivi par le bleu de Bouxwiller, extrait de la lignite fabriqué industriellement à Ludwigshafen en Allemagne, dans les temps modernes.

Le rouge provenait de la garance, une racine que l'on cultivait dans nos régions.

Les teinturiers teignaient les écheveaux de filé, mais imprimaient également de jolis motifs de fleurs sur les toiles, à l'aide de planchettes sculptées, que l'on enduisait de teinture et que l'on juxtaposait. Ces toiles imprimées en « bleu de réserve » servaient aux taies d'oreillers et d'édredons, aux vêtemets de tra­vail féminins (jupes, tabliers, etc.), mais on les appelait péjorativement, « Armelittekoelsch ou Battelkoelsch » parce qu'elles étaient moins chères que le carreau tissé.

LES METIERS ANNEXES

Un teinturier travaillait à l'emplacement du maga­sin Allheilig, rue du Maire Abry. En 1947 les modèles en bois sculpté, garnissaient encore le mur de la cage d'escalier de cette vieille maison.

Dans certains bourgs, il y avait un teinturier et un imprimeur sur toile. L'industrie a pris le relais de tous ces métiers, une page est tournée. Il nous reste dans la toponymie des mots qui rappellent ces temps révolus :

"D'Hanfrötz " : endroit où on rouissait.

"S'Bleicher's" : nom donné à la famille Andrès qui exerçait le métier de blanchisseur.

"D'Bleich" : ancien quartier du blanchisseur.

"D'Seilergass" : ancienne rue des cordiers.

Dans nos locutions populaires on trouve encore trace de l'activité liée au lin et au chanvre.

"Er labt wie de Vögel im Hanfsome ". Il vit comme l'oiseau dans le chenevis (graines de chanvre) donc dans l'abondance et l'insouciance.

"Er isch koelschebloej" : se dit de quelqu'un couvert d'ecchy- moses. Le sens de l'observation était développé chez nos ancêtres, très attachés à la nature.

Les temps ont changé, nous avons beaucoup de mal à comprendre, à une époque, où l'on veut tout, tout de suite, que nos aïeuls passaient autant de temps, pour obtenir les textiles dont ils avaient besoin, mais cette activité disparue a nettement amé­lioré la vie de la population de nos campagnes, qui n'était peut-être pas plus malheureuse que nos conci­toyens stressés, les uns courant après un emploi, les autres poussés au rendement.

Le « bon vieux temps » était fait de joies et peines comme l'époque actuelle, il faut savoir en prendre les bons côtés.

Toile de lin imprimée en bleu de réserve.

 (Pfaffenhoffen, première moitié du XIXe siècle).

Bibliographie et sources


Photos et texte sur le mariage, prêtés par les familles Andrès.

Renseignements trouvés dans "Die Ortenau", Band 41 - 1961 / Band 50- 1970/Band52- 1972/Band 66- 1986/Band 70- 1990.

Veröffentlichung des Historischen Vereins fur Mittelbaden, com­muniqués par M. Helmut Schneider, Directeur du Hanauer Muséum Kehl.

- De précieux renseignements aimablement communiqués par M. Joseph  NAUDASCHER-MAHLBERG.

La Grande Flore de Gaston Bonnier - (c) Belin - no 492 (planche 93) - no 2508 (planche 555) - no 1284 b (planche 254) - n° 248 (planche 52).

"Arts et traditions populaires d'Alsace" de M. Georges KLEIN avec l'aimable autorisation de l'auteur.

La garance Le rouissage du chanvre

Autre site à découvrir concernant les tissus fabriqués par la filature d'Erstein :

LES "TEXTILES" DE LA FILATURE D'ERSTEIN   de Pierre Drach